Invasion Los Angeles
Un métrage, une image : Terreur sur la ligne (1979)
When a Stranger Calls fait autre
chose que développer le premier sketch
des Trois
Visages
de
la peur (Bava, 1963), anticiper le prologue de Scream (Craven, 1996), se
souvenir de la domestique menace de Black Christmas (Clark, 1974). Vite
ensuite à la TV, malgré le renommé April Fool’s Day (1986), a priori
matrice apocryphe du dispensable Murder Party (Pleskof, 2022), Walton
étonne, réussit l’essai transformé, puisque voici The Sitter (1977) remarqué, remaké,
mué en succès. Du court au long, le doué débutant conserve l’introduction,
modèle d’instauration de la tension, devant beaucoup à la candeur de Carol Kane
qui, mère et mariée cette fois, réapparaîtra pour la coda, dépassement du trauma, seconde chance accordée à la
double enfance, boucle bouclée sept années de malheur, de bonheur, après.
Entre-temps, l’item prend son temps,
revisite l’infanticide invisible de La dolce vita
(Fellini, 1960), reprend le spleen
malsain, urbain, voire vietnamien, de Taxi Driver (Scorsese, 1976), toutefois
fi d’ironie ici, de chronique épique, car portrait croisé, inspiré, de
solitudes enlacées, destinées à se rencontrer, se contrer, au creux d’une cité
bien et mal nommée, d’âmes damnées. Deux ans avant Conte de la folie ordinaire
(Ferreri, 1981), neuf avant They Live (Carpenter, 1988), Terreur
sur la ligne cartographie, le jour, la nuit, beau boulot du directeur de la
photographie Donald Peterman, collaborateur régulier de Ron Howard, sélectionné
à l’Oscar à l’occasion de Flashdance (Lyne, 1983), la
vraie-fausse capitale de la Californie en paradis maudit, concentré de
dangerosité, d’insanité, de pauvreté, superficialité. Au-delà de sa lucidité
sociale, d’une pertinente empathie envers ses épaves, ses esseulés, blessés, obsédés,
le cinéaste attentif et son fidèle co-scénariste esquivent l’ultraviolence, la
complaisance, la condescendance. Walton donne à voir des êtres du soir, du
désespoir, interprétés par les impeccables, couple improbable, Colleen Dewhurst
(Dead
Zone,
Cronenberg, 1983) & Charles Durning (Sœurs de sang, De Palma, 1972),
immortalise l’amical Tony Beckley (L’or se barre, Collinson, 1969 ou La
Loi du milieu, Hodges, 1971) en train de mourir, cancer ou sida, on ne le saura, acteur
anglais, retour du refoulé, assassin attachant, type en espadrilles, abusé
autrefois ou pas, monologue éloquent, d’un homme (im)puissant, obscurité
murmurée, à l’unisson de celle du béton, des ténèbres du ciel. Ni démarquage de l’incontournable
La
Nuit des masques (Carpenter, 1978), ni repérage des outrages de Henry,
portrait d’un serial killer (McNaughton, 1986), ceci se caractérise
selon sa discrétion, sa sincérité, sa radicalité. Le Caligula de Camus
accomplissait l’irréparable, histoire de réinstaurer un sens (moral) au sein de
l’absurde existence ; Curt Duncan commet ses atrocités, tout sauf
téléphonées, afin de forcer à « vérifier les enfants », leur santé,
sécurité, fragilité, fugacité. Face à la surface de glace, main reflétée, geste
d’altérité, mis à nu et miroité, au propre, au figuré, il se rappelle
l’impensable, s’effondre, éclate en larmes, écho au Zampano de La
strada (Fellini, 1954), émouvante monstruosité, humaine inhumanité,
acmé d’un requiem qu’accompagnent, en
mode un brin Bernard Herrmann, les notes de Dana Kaproff (Au-delà de la gloire,
Fuller, 1980). En dépit des enseignes religieuses, point de pardon/rédemption
en conclusion du hom(m)e invasion
de déréliction, sinon la satisfaction de la vision d’une œuvre de valeur,
reproduite de manière anecdotique, à base de domotique, via le vain, cacochyme, Terreur sur la ligne (West, 2006).
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