La Famille Addams

 

Un métrage, une image : Maison de retraite (2022)

Co-écrit, co-produit, conduit par le principal intéressé, au demeurant guère intéressant, au propre, au figuré, alors au volant d’un autocar coloré, customisé, very gay, piqué aux mecs honnêtes de Priscilla, folle du désert (Elliott, 1994), Maison de retraite semble en surface se soucier de vieillesse, d’abus de confiance, d’adulescence, mais ceci se dissout, au profit de l’utopie. Face à la France d’Éric Zemmour, ses fractures, ses frontières, sa soif d’hier, voici celle du véhicule, sens duel, de Kev, qui cède à Platon sa caverne, qui opte pour une grotte, pain béni de psy, lieu bienheureux, débarrassé de la peur, de la culpabilité, ces conneries stériles, dixit l’ex-boxeur doté d’un cœur, il entraîne, il teste, il meurt, dont le nom du personnage, Lino Vartan, rend donc un double hommage, aux ancêtres d’antan, Sylvie & Ventura, voilà, père et mère mythiques, symboliques, d’un orphelin en quête inconsciente, en toute conscience, d’une famille, Milann un peu Peter Pan, Rousseau à demi Émile (ou De l’éducation d’occasion), aux enfants perdus – drôles de lost boys – vieux devenus, placés à la périphérie, spoliés de leur fric. L’épilogue ad hoc du téléfilm infime, que commet un auteur communautaire, pas communautariste, quoique, en l’occurrence le doux Gilou de Black Mic-Mac (1986, Bankolé, OK), Raï (1996, ah, Tabatha), La Vérité si je mens ! (1997, coucou, Kakou) ou Michou d’Auber (2005, déjà Depardieu), propose une sorte d’apothéose, édifie fissa un transformé orphelinat, espace rempli de grâce, paradis après les multiples disgrâces, où réside et dialogue, au présent éternel, une collectivité individuelle, intergénérationnelle, multiculturelle, sinon multiconfessionnelle, sexuelle. L’appellation de la boîte de production du sieur Adams adresse un clin d’œil à son pseudonyme, à la famille quasi homonyme, américaine, pas si malsaine, gothique et drolatique, son conte de saison, sorti dans le sillage du scandale des EHPAD d’ORPEA, oui-da, matérialise in extremis, en réalise l’œcuménisme, cette idée d’une microsociété enfin émancipée de la cruelle société, cadre idyllique de discussion, de transmission, de reproduction, cf. la dernière scène, reprise du même, histoire à (re)voir, les yeux clos, histoire de ne plus pleurer, poulbot poteau. Opus politique, social, de Cité, autant, voire davantage, que le récent Enquête sur un scandale d’État (de Peretti, 2022), dispensable pensum didactique et insipide, né sous l’auteurisme étoilé, politiquement correct, d’ARTE, le petit produit de TF1, porté par un casting choral impeccable, montre une concorde, en démontre aussi les limites, d’un huis clos à l’autre, comme si les seniors ne réussissaient in fine à s’insérer, mouvement à contre-courant incarné selon l’extrait du Malade imaginaire de l’increvable Molière, tandem à domicile, théâtre venu vers toi, spécialiste loin de Zaza (La Cage aux folles, Molinaro, 1978), en rime à l’autarcie bien-pensante, insuffisante, refusée par le réalisateur, imposée par le producteur, de Un enfant attend (Cassavetes, 1953), justement. Ni La Fin du jour (Duvivier, 1939), ni Cocoon (Howard, 1985), Maison de retraite, s’avère vite une comédie consensuelle, inoffensive, poussive, se caractérise ainsi via sa volonté assumée, sincère ou cynique, mélodramatique ou démagogique, point de vue divisé, critique, de réunir, guérir, rédimer, remercier, film français au sujet de la fraternité, feel good movie de gérontologie, instantané aseptisé d’une diversité désormais très convoitée…  

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