La Renarde

 

Un métrage, une image : El ojo del huracàn (1972)

Le vaudeville au vitriol s’ouvre sur un joli générique Art nouveau, graphisme Vertigo (Hitchcock, 1958), musique du maestro Piero (Piccioni), voix valeureuse de Shawn Robinson. Co-écrit avec Rafael Azcona, collaborateur de Ferreri & Saura, co-éclairé par Alejandro Ulloa (Photo interdite d’une bourgeoise, Ercoli, 1970), décoré par le méconnu mais bienvenu Giorgio Marzelli, co-produit par l’Espagne et l’Italie, par la propre société du principal intéressé, tourné sur la côte azurée, adriatique, chic, porté par deux couples, argentin, européen, Analía Gadé & Rosanna Y(Gi)anni, Tony Kendall & Jean Sorel, ce métrage d’un autre âge, dû au papounet de la récemment suicidée Verónica, un peu vite réduite à Kika (Almodóvar, 1994), la vie duplique l’art, dare-dare, rappelle et renouvelle Les Amants passionnés (Lean, 1949). Ruth, artiste héritière, assume l’adultère, se sent aussi suicidaire, décide, in extremis, liste propice, piégé complice, de ne se sacrifier, ses meilleurs ennemis faire in fine payer, alors qu’ils voulaient, en définitive, la racketter. « Vive la vie, vive l’amour », en français, s’il vous plaît, vive le divorce, la tentative de viol, les noces rosses du romantisme et du cynisme, mâtinées d’un soupçon, un brin hitchcockien, de triolisme imposé, alité. La volpe dalla coda di velluto, titre alternatif, pas si déplacé, même s’il imite les intitulés animaliers d’Argento and Co., convoque donc leur succès, raté, abonde en bestiaire doux-amer, cygne dessiné, baigné, chassé, berger allemand présenté, empoisonné, parmi la plage enterré, poulpe harponné, plan impossible, désormais, lions de récit, de safari, symboliques, et bien sûr « renarde à la queue de velours », mon amour, proie puis prédatrice, de fable affable, féministe, au(x) sein(s) d’un huis clos darwinien, d’illusion, de désillusion, de suppression, point de rédemption. Entre riches, à la périphérie, la populace, la police, ça se quitte, ça s’excite, ça périclite, oisiveté mère viciée, complot contourné illico. Moins drôle que Chabrol, Forqué fait toutefois fort, sa leçon de réalisation séduit aujourd’hui, son « ouragan » d’antan s’avère vite envoûtant, paradis pourri, où s’embrasser tête renversée, superbe scène de souple sensualité, Spider-Man (Raimi, 2002) peut aller se rhabiller, plutôt se décostumer, peindre sur poterie, n’en déplaise à Demi (Moore, Ghost, Zucker, 1990), danser enlacés, colorés, en travelling à 360 degrés, De Palma n’en revient pas, peut-être s’en souviendra (Carrie, 1976), conduire à proximité du pire une bagnole folle, séquence intense, sans transparences, surpassant celles de La Main au collet (Hitch, 1955), La Mort aux trousses (bis, 1959), pourtant maousses. Hélas pour l’hédonisme en sudiste autarcie, le célèbre et sinistre aphorisme de cadran éclairant remet les pendules à l’heure du commun malheur. Si « le bonheur fait peur », à l’épouse éplorée, à la veuve convoitée, qui manque d’air, surtout sous la mer, le corail arrosé, la lettre rédigée, Ruth relit Judy, le revolver en acier, la main masculine gantée, le livre ouvert, à couverture jaune, de giallo ma non troppo, inventaire guère Prévert, affichent un fétichisme modéré, d’évidente virtuosité…       

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