La dolce vita

 

Un métrage, une image : « Et Satan conduit le bal » (1962)

Trois couples, une entourloupe, la route, la déroute : huis clos clair comme un tombeau, beau boulot de l’incontournable Raoul Coutard en dirlo photo, l’unique directive de Grisha Dabat, cinéaste éphémère, désormais centenaire, jadis scénariste de Bénazéraf & Pécas, ici sous l’égide de Vadim, qui adapte, dialogue, produit, commence sur un accident automobile, se termine sur un meurtre homonyme, il s’agit ainsi de la chronique d’une mort annoncée, durant quatre-vingts minutes congédiée, esquivée. Du côté de Collioure, ça papote à propos d’amour, ça s’ennuie, style Antonioni, le spectateur d’aujourd’hui un peu, aussi, ça se livre, voire se délivre, à des (dé)liaisons évidemment dangereuses (Les Liaisons dangereuses 1960, Vadim, 1959), où Ivan se plante, de dame, de macadam, supplante, même émotion, Valmont. Le pascal ou estival marivaudage vite dévie vers le naufrage, le chantage, la balle dans le dos, presque en duo, car le père amer de Mademoiselle Manuelle, gangster rangé, par le gigolo dérangé, ne perd son précieux temps, son sale argent, entorse à ses principes, selon sa fifille en parallèle reproduite. Ces six personnages ne se soucient de Pirandello, jouent Proust au piano, se (dé)trompent illico. Un vain écrivain, à vocabulaire de dictionnaire, à plage de plantage, bis, raconte une anecdote, la rencontre de Hugo & Rimbaud. Un fils d’industriel, épris de Machiavel, exprime en sourdine sa mimi misogynie, femmes infâmes, « fabriquées », « caoutchoutées », olé. Quant au mauvais ange, (dé)muni de malchance, il questionne, il papillonne, in fine il s’effondre, pas à l’ombre. Au sein malsain d’une villa pas une seule seconde sadienne, plutôt en écho à celle de Bonjour tristesse (Preminger, 1958), se glissent une actrice, entre la France et l’Italie, en train de baiser Fanny, à la pétanque, Pagnol se planque, une jouvencelle juvénile, translucide, point lucide, prise d’une crise d’hystérie devant le fait quasi accompli, une compagne en ersatz de Gilberte Swann, compréhensive, elle-même libre, jalouse, elle souffre. L’incestueuse autarcie du récit, ne nous parlez, merci, de la fin du conflit en Algérie, duplique la connaissance, le vivre ensemble, de l’équipe, puisque Deneuve & Vadim, Brion & Doniol-Valcroze. Film fragile, futile, dont l’intitulé religieux paraît répliquer à un premier, certes plus célèbre (Et Dieu… créa la femme, Vadim, 1956), opus précis, impersonnel, remarquez quand même le montage démultiplié, au creux de l’habitacle du kidnappé secoué, « Et Satan conduit le bal » en sourdine s’apprécie pourtant, document d’un autre temps, au sextet sexuel pas un instant consternant, mentions spéciales à la belle Bernadette, Lafont, je fonds, magnifiée façon Truffaut (Les Quatre Cents Coups, 1959), en travelling arrière de bord de mer, à la clivante Cathy, grâce pugnace, ensuite immortalisée, sous la pluie, grâce au mentor Demy (Les Parapluies de Cherbourg, 1964), à nouveau partenaire de Perrin, il le valait bien (Les Demoiselles de Rochefort, Demy, 1967). En définitive, divertissement sudiste, léger et triste.

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