Gilda

 

Un métrage, une image : Les Siffleurs (2019)

Petit polar au prologue porté par Iggy Pop, pertinent (The) Passenger, où entendre itou l’incontournable Anna Netrebko, la brechtienne Ute Lemper, Mozart, Offenbach, Orff, Strauss (Johann, pas Richard), Tchaïkovski, cf. la colorée compilation, finale et végétale, à Singapour, mon amour, Les Siffleurs s’essouffle fissa, laisse assez vite deviner son épilogue énamouré, quasi timide, presque premier rendez-vous plus relou, réponse souriante à la copulation de l’interpolée introduction, toutefois fi de frontal nudity, puisque enveloppe de fric pratique. Ici, le sexe participe du pouvoir, du spectacle, de la tromperie, chevauchée sans cheval, sinon étalon, western d’athlète, (sur)cadré en écho à l’homologue des Patriotes (Rochant, 1994). Il renseigne aussi, car la corruption n’empêche l’émotion, la mise en scène, guère obscène, les sentiments, la vidéo-surveillance, en mode La Vie des autres (Henckel von Donnersmarck, 2006), l’aveu du visage malheureux, celui d’un flic sans femme ni enfant, dont sa maman croyante, (in)clémente, argent sale offert pour l’édification filiale, refilé à la réfection d’une cathédrale, se demande s’il ne souffrirait d’homosexualité, olé. Cadré au cordeau, doté d’une ironie ouatée, découpé en personnages, en temporalités, glissant un clin d’œil à Gilda (Vidor, 1946), citant un extrait sifflé de La Prisonnière du désert (Ford, 1956), l’ultime métrage du réalisateur rieur s’avère en résumé moins émouvant et stimulant que Le Trésor (2015), (re)lisez-moi encore, ressemble à un exercice de style inoffensif, aux silhouettes forcément suspectes, en sus simplettes, à un jeu de massacre, cinéaste inclus, en repérage, dommage, jamais patraque, son auteurisme européen, tempéré, propice à exciter les critiques portés sur la délavée « subversion des genres » et l’épuisé « post-moderne », amen. Illustration au propre, au figuré, de l’expression  « un matelas de billets », Les Siffleurs et ses vrais-faux chants d’oiseaux rappelle un peu Le Pigeon (Monicelli, 1958), car fiasco en duo, fuite impossible, interpellation extermination. Aux Canaries, aucun canari, plutôt la parabole de Paco ; au bord de Bucarest, motel un brin à la Norman Bates (Psychose, Hitchcock, 1960), un policier égorgé + du bel canto, mon (papa) coco. Primée à domicile, la co-production paraît viser le marché mondial, anglais parlé, OK. S’il manque de consistance, s’il carbure au(x) simulacre(s), à l’instar évidemment méta du studio de cinéma, piège à plusieurs, carnage en images, l’opus paranoïaque, (dé)structuré, signé Corneliu Porumboiu, Roumain malin, demeure séduisant, divertissant, néanmoins, surtout parce qu’il donne à découvrir trois actrices irrésistibles, parce qu’il permet d’apprécier trois personnages féminins qui le valent bien. Devant l’impavide Vlad Ivanov (My Joy, Loznitsa, 2010, Snowpiercer, le Transperceneige, Bong, 2013 ou Dark Murders, Avranás, 2016), Catrinel Marlon incarne une complice sculpturale, Rodica Lazar une procureure impitoyable, Julieta Szönyi une mère rurale. Grâce à leur grâce de femmes en effet fatales, fréquentables, a fortiori face à la meute des mecs malhonnêtes, ce film, en définitive fun et futile, possède, enfin, un soupçon, point hitchcockien, de réel, sensuel, cruel, maternel, charme de dames… 

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