Shanghai Kid

 

Un métrage, une image : Shanghaï Joe (1973)

Ce western antiraciste moins humoristique et plus individualiste que celui de Chan et compagnie – Shanghai Noon, Dey, 2000, jeu de mots rigolo décalqué du High Noon, aka Le train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann, 1952 – adresse lui-même un clin d’œil d’intitulé italien au contemporain Mon nom est Personne (1973) de Valerii & Leone, cependant il s’agit en définitive d’un film hybride, inspiré à la fois par la célèbre série Kung Fu et les éclats de Peckinpah. Caiano signa aussi Un train pour Durango (1968) et L’Œil du labyrinthe (1972), sur lesquels je ne reviens point, en sus de l’estimable Les Amants d’outre-tombe (1966), avec l’immarcescible Barbara Steele, avant de finir sa filmographie de manière amère, très agitée, au côté de l’incorrigible Klaus Kinski (Nosferatu à Venise, 1988), ici irrésistible fétichiste de chevelure pas un brin baudelairien. Si la trilogie des Dollars + Il était une fois dans l’Ouest (Leone, 1968) valorisèrent un révisionnisme vivifiant, very sudiste, plus soucieux de style ironique que de vérité historique, substituant sa sienne légende, baroque et interlope, à la précédente, jugée davantage classique et pasteurisée, l’Amérique de Mario ferait passer celle de Jill, sublime et lyrique, viva la cara Claudia, le maestro Ennio, auquel le collaborateur Nicolai rend hommage sans outrage, pour un modèle édénique. En dépit d’un toubib au patriotisme critique et drolatique, tous les types que rencontre puis décime notre Asiatique fantastique cristallisent jusqu’à la caricature un royaume de racisme assumé. À la TV, Carradine incarna un Chinois, cela désormais ne va plus de soi ; au ciné, le Japonais jamais magnanime Hayakawa Myoshin se voit rebaptisé Chen Lee et comme son fameux homonyme pris au piège du Jeu de la mort (Clouse, 1978), il va devoir affronter des adversaires en plusieurs exemplaires, en écho aux jeux vidéo dits d’arcade de jadis. Cette construction quasi d’abstraction autorise le réalisateur tout sauf mineur à réutiliser les figures fondamentales, voire obligées, des deux imageries mélangées, enlacées, tels les corps en accord de Chen Lee & Carla Romanelli (Le Guignolo, Lautner, 1979), interracialité déjà représentée par Les Cent Fusils (1969) de Gries, cf. le couple un peu scandaleux qu’y composent Jim Brown & Raquel Welch. Autour de la romance entre races, du pékin de Pékin porté sur l’émancipation des Mexicains, esclaves de massacre, camelote de compatriote, preuve par balle d’une utopie qui déraille, d’un désert aux allures d’enfer mortifère, amitiés au Cimino de La Porte du paradis (1980), gravite vite un autre tandem de « suspects habituels », pas ceux du Casablanca (1942) de Curtiz, dénommés Giacomo Rossi Stuart & Gordon Mitchell. D’un duo de minots munis d’une noix de coco à un écarlate saligaud ; du restau au taureau et au couteau ; du cannibale impur à la secourable acupuncture ; de pieux plantés à un piano dépourvu de pitié ; d’une œil énucléé façon Fulci à de sonores acrobaties ; de « St. » Francisco à « Wells Fargo », de la Californie au Texas, des boulots d’occase à la brochette de dégueulasses, l’imperturbable et increvable Shanghaï ne chôme ni ne défaille, étranger venu instaurer au sein malsain de la Cité une justice expéditive et in fine rendue en reflet, quel meilleur ennemi que le félon transfuge de l’enflammée confrérie ? Caiano au cordeau ne charrie Chang Cheh ni le vampirisme doré, lie la délivrance à l’errance. 

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