L’Empire du Grec

 

Un métrage, une image : L’Année des méduses (1984)

Le troisième métrage de Christopher Frank commence un peu comme du Max Pécas, dérive vite vers le thriller topless et la comédie dramatique non érotique. Le scénariste de Deville, Żuławski, Molinaro, Costa-Gavras, Deray, Delon ou Pierre Granier-Deferre, aussi romancier, semble aussitôt revisiter Et Dieu… créa la femme (Vadim, 1956) une trentaine d’années après, modernisme de féminisme seins et culs nus, ceux de la césarisée Cellier, de la sculpturale Kaprisky, beau duo de femmes fréquentables et in fine fatales, en tout cas de facto pour Giraudeau, déguisé en « mac » patraque, plagiste proxo, presque imprésario, clin d’œil au producteur Terzian inclus et amusant. L’Année des méduses annonce aussi et ainsi Elles n’oublient jamais (1994), dernier effort du réalisateur éphémère, décédé à la cinquantaine, Detmers, Farès et Lhermitte substitués au trio précité. S’il cite à deux reprises une célèbre scène de danse sidérante de La Femme publique (Żuławski, 1984), l’auteur de la Nuit américaine, pas celle de Truffaut, loin s’en fait, devenu, on le sait, L’important c’est d’aimer (Żuławski, 1975), ne prise les travellings rapides, à part à l’occasion du décès d’un noir clébard, leur préfère une menace issue de la mer, style Spielberg (Jaws, 1975), musique de Wisniak, le compositeur de La Femme publique, bis, en écho comprise. Le marivaudage à tumulte l’intéresse moins que le passage à l’âge adulte, la pilosité bronzée moins que l’âme tourmentée d’une jeune femme en train de s’émanciper, de rivaliser avec sa maman à moitié, de l’emporter à la Pyrrhus, merci au deus ex machina de mille méduses pas sympas. Jamais misogyne ni misandre, souvent compatissant, Frank met à nu, au propre et au figuré, des silhouettes suspectes peu à peu dotées de densité, de lucidité. Romain pourrait se prénommer Rocco, « baiser » de bandantes débutantes, les refiler ensuite à une esseulée, supposée, élite remplie de fric, voici son assez sinistre boulot. Hélas pour lui, dirait un Godard goguenard, l’étalon à la con, qui éprouve pourtant, en même temps, un « vide » de « Viking » profond, plus existentiel que celui de la bourgeoisie, du personnel, du sable et de l’eau de la plage privée tropézienne, se fait presto piéger à l’insu de son plein gré par une « mamie » quasi quadra, succombe en trombe, fi d’imposture, à son « charme » et ses « fêlures », tandis que sa patiente progéniture, à dessein surnommée Salomé, exige d’être sautée, pas dépucelée, lycéenne enceinte d’un invisible avorté, némésis à la mélancolique malice de criminelle callipyge, tu piges ? Nina Hagen dégaine, Perrin interprète, plutôt qu’un prédateur pédophile, un exemple désarmant de masculin confort médiocre illico saisi, réchauffé, refroidi, selon Un moment d’égarement (1977) à la Berri, pardi. On aperçoit en sus Béatrice Agenin & Barbara Nielsen, Charlotte Kady & Pierre Vaneck, on navigue entre alcoolisme et triolisme, zeste d’inceste, sauvetage d’enfant surprenant, couple en déroute allemand, Saint-Trop interlope et Cergy au lit, recul de pilule. La Claude épicène, guère malsaine, de l’exquise et destructrice Chris remercie le Grec pas si malhonnête, point porté sur les guêpes, mais la moralité douce-amère de sexualité instrumentalisée, de sentiments à contre-courant, de l’amour réduit, dixit de grand-mère, à des « orifices », leur « affaire », laisse un (dé)goût amer, malgré du DP Berta la photo aqueuse et solaire, de fête foraine défaite, de corps d’une manière ou d’une autre promis à la mort, noyade de dénouement nocturne ou naufrage de conformisme diurne. En définitive, la grande fille n’hésite, prend du fournisseur en fraîcheur fissa défraîchie la suite, à l’instar du flic cynique, survivant et proxénète, de Vivre et mourir à Los Angeles (Police fédérale, Los Angeles, Friedkin, 1985, aka To Live and Die in L.A., olé), avant de mettre les voiles en compagnie de la conductrice en larmes. Pourvu d’un casting choral bien vu et bienvenu, L’Année des méduses n’abuse ni n’use le spectateur, témoigne en résumé d’un ciné pas encore soumis à l’hypocrite et puritaine puérilité des « coaches d’intimité ». Il donne surtout à redécouvrir le talent évident d’une actrice sous-estimée, réduite indeed à une « image » d’hommage, dommage, docte commentaire supplémentaire de duel attablé, de coda confirmée, en tandem cicatrisée, ses « promesses » passées à la trappe de productions dispensables et disparates, en dépit des items amènes de Fuest, Leroy, de Broca ou Thomas. Viva Valérie, à doux mercredi ? Oh oui…                    

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