La Tour Montparnasse infernale

 

Un métrage, une image : L’Imprécateur (1977)

Comédie assombrie aux étoiles locales et construite en boucle bouclée, c’est-à-dire en accident dédoublé, anticipé, en replay, pas celui des Choses de la vie (Sautet, 1970), avec déjà Piccoli, plutôt du nouveau Boîte noire (Gozlan, 2021), autre item de corporatisme et de conspirationnisme, ce métrage méconnu mérite à moitié d’être vu. Coadaptateur de Buzzati, (Le  Désert des Tartares, Zurlini, 1976), au fantastique plus existentialiste, Bertuccelli commit aussi, deux ans auparavant, Docteur Françoise Gailland (1975), médiocre mélo médico-onco qui permit à Annie Girardot de décrocher un César illico. Avocat de la vraisemblance, adepte de la monstration et non de la démonstration, l’idéologie, au tapis, le filmeur éphémère transpose ici un bouquin à succès, dû à un romancier divisé, puisque René-Victor Pilhes, je schématise à dessein, homme de gauche aux activités de droite, passé par l’Algérie et Air France, la CGT puis Publicis, chiche. Paru en 1974, par conséquent contemporain de l’élection présidentielle d’un certain Giscard d’Estaing, lauréat du prix Fémina, L’Imprécateur de papier devient trois années après un métrage de son âge. Certes à faire frémir les féministes de jadis, car la discrète Noëlle Adam (La Prisonnière, Clouzot, 1968), partageant la vie de Reggiani, la chère Marlène Jobert, cette fois-ci pas la compagne de Yanne (Nous ne vieillirons pas ensemble, Pialat, 1972), l’inoubliable Christine Pascal, gréviste non créditée chez Tavernier (Le Juge et l’Assassin, 1976) s’y contentent de caméos concons, mère adultère, épouse éplorée, gamine camée, rien à voir, circulez, l’obscur opus s’inscrit donc dans le sillon du thriller d’auteur à gros complot, paranoïa sympa, ère du doute, de la route, de la déroute. Tandis que la coda caligarienne en diable risque de désarçonner le spectateur inattentif ou rétif au symbolisme explicite, il s’agit en définitive d’un retournement onirique cohérent et logique, conclusion en chorale et cordiale réunion d’une histoire aux allures de vécu, éveillé cauchemar. Le voyage mental du directeur adjoint des relations humaines, les ressources homonymes suivront vite, cf. le bel essai de Cantet (Ressources humaines, 1999), promu en épilogue directeur tout court, à l’hosto depuis deux jours, sorte de Lazare égaré en franco-américain – l’incontournable et guère clair Arnon Milchan coproduit – traquenard au carré, présage davantage l’itinéraire crépusculaire et in fine funéraire du dingo Lino de Un papillon sur l’épaule (Deray, 1978) qu’il ne ranime les mânes marxistes, malgré un communiste à porte-voix et petite voix. Il préfigure en sus Les Égouts du paradis (1979) de Giovanni & Spaggiari, encore un conte de capitalisme collectif. S’enrichir ? Détruire à la Duras, au sous-sol assez ignoble de la tour Montparnasse, cadre à cadres un brin platonicien d’un règlement de comptes mâtiné de théâtre de la cruauté, terminus des minus, des puissants parmi la merde pataugeant. L’édifice anthracite, d’arrogante réussite du fric de firme transatlantique, statue célèbre + WTC en ouverture, effondrement fantasmatique ou prophétique en fermeture, because chaudes « fissures », au microcosme doux-amer, donne sur un cimetière, repose sur des catacombes révolutionnaires, malédiction en doublon. Dédié à un DP, musiqué au premier degré, ce stressant et languissant divertissement d’antan ressemble à un jeu de massacre patraque, frise le téléfilm inoffensif et (de) « fêlé » en effet…  

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