Le Corbeau
Magicien du matin ? Légende sans danse…
Pendant le prélude, Pauwels rappelle
le célèbre mot de Hugo adoubant Baudelaire ; mais face à celui de Céline,
documenté, donc condamné, l’antisémitisme de l’auteur des Fleurs, impulsif, intempestif,
paraît presque inoffensif. Passé ce préambule d’épouvantail « génial », à prendre avec des
pincettes, le Louis à lunettes et regard caméra ne reviendra vers les ouvrages outrages, cède toute la place et l’espace à « l’ermite
de Meudon », oracle cadré au sternum
ou à la taille, assis sur un fauteuil impérial, l’interlocuteur commentateur se
contentant de quelques plans de coupe et sur la bande-son de ses successives
questions. Auparavant, après le générique à l’imprimerie, télévisuel « village
global » de Marshall McLuhan se souvenant du temps récent de la « galaxie
Gutenberg », mise en scène, à demi en abyme, de l’outil alors utilisé pour
la fabrication des livres en papier, ni numériques ni numérisés, de l’ex-toubib la maison l’on visite, plutôt
on se pose au rez-de-chaussée, salle de travail et cabinet de consultation aux
manuscrits écrits, classés, pincés, sans concession et confusion. Au-dessus de
ce foyer en partie à cause de la maladie fréquenté, le romancier miné par d’anciennes
difficultés à se déplacer, sa Lucette délestée de claquettes s’en désolait, un
premier étage hors tournage, où danser à satiété, jusqu’à la non sartrienne
nausée de la dernière phrase répétée. Autour du décor, présence sonore, des clébards
« bâtards » et un perroquet, aperçus, caressé. En plan rapproché, le
maître s’exprime, entre détresse et déprime, retrace son illustre et illustré
CV, de banlieusard de Courbevoie déjà désenchanté, de façon éducative giflé,
enfance de France et de souffrance, à père littéraire et mère dentellière.
Louis-Ferdinand Destouches, identité véritable d’intitulé respectable de plaque
professionnelle médicale, découverte en panoramique d’Occident et zoom avant, y
dérouille, y bouffe des nouilles, fait la gueule au passage Choiseul, que Polac
plus tard arpentera, en offrant, en vain, un livre de Céline à des passants
récalcitrants ou l’admirant, néanmoins se taisant, se comprenant. Le corps sent
la mort, le cerveau ne fait défaut, LFC fait le show, le visage grimace, les rides deviennent humides, voici Ferdinand
Bardamu vieilli, revenu, ressuscité, incarné, filmé, immortalisé. Ce qu’il dit
de sa vie, de ses envies, de lui, d’autrui, certes savoureux, tragique et
comique, informe moins que la forme qu’il lui donne, celle d’un styliste, d’un
moraliste, d’un ennemi du romantisme, d’un type tout sauf cinéphile, parti dès
que l’histoire et ses couloirs saisis, séance express, a contrario du
boulot repris sans cesse, payé du prix de la « peau », la Faucheuse,
au fond, unique et réaliste « inspiratrice », indispensable,
respectable. En dépit du papounet, Flaubert ne devint médecin, le valait bien, ne
valait rien, Céline si, élève de manuels, praticien jamais mesquin, on murmure
même qu’il soigna des Juifs, fichtre, on sait qu’il encensa Semmelweis, docteur
précurseur, paria qui se suicida. Le gros quart d’heure ne provoque aucun haut-le-cœur,
leçon de réalisation, de discussion, extrait du ballet bacchanal d’Albert
Roussel inclus au début et au final. « Chroniqueur » incontournable,
mec peut-être fréquentable, Céline s’y dessine selon une sincérité indiscutable.
Tout cela, disponible en ligne sur le site de l’INA, ne démérite des images anatomiques,
confession d’oraison plus cynique que sinistre, lestée d’un sourcil levé.
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