Le Cerveau

 

Un métrage, une image : Le Quatrième Homme (1952)

L’intitulé français évoque Verhoeven (Le Quatrième homme, 1983), toutefois Kansas City Confidential ne comporte aucun écrivain crucifié en culotte écarlate, même s’il s’agit aussi d’un récit de rédemption. Produit par Edward Small (Marché de brutes, Mann, 1948), réalisé par Phil Karlson (tandem de Matt Helm, en 1966 et 1968 puis Ben, 1972), cinéaste estimé d’un certain Scorsese, coécrit par Harry Essex (Le Météore de la nuit, L’Étrange Créature du lac noir, Arnold, 1953, 1954), éclairé par le DP George E. Diskant (The Bigamist, Lupino, 1953), pourvu d’un casting choral irréprochable, flanqué d’un Mexique fictif, matrice apocryphe de L’Affaire Thomas Crown (Jewison, 1968), voire de Reservoir Dogs (Tarantino, 1992), tombé dans le domaine public, disponible en ligne en VF vintage, ce métrage dégraissé, pas désossé, carbure au braquage d’entrée, fi du fleuriste floué, aux masqués le million en billets, le macadam avalé. Le vrai-faux coupable passé par la case prison, jadis endetté, pardonnons, se fait fissa foutre au commissariat par des flics impulsifs, histoire d’y subir à plusieurs reprises un interrogatoire à refiler aux défenseurs des droits de l’homme un sacré cafard. Aussitôt émancipé, notre gringo licencié, dessalé, va voir au bar son pote d’uniforme, blessé en « Océanie », cependant solidaire. Tuyau récolté, il se casse illico du côté de Tijuana, y assiste à un quasi assassinat, endosse l’identité du meurtrier marxiste, because boss descendu, en sus addict au jeu et au fumeux, sens duel. À Borados, ça se corse, les quatre mecs se rencontrent, les quatre as se montrent, une excitante Teresa ne s’en fait pas, une adorable étudiante en droit révise au bord de la piscine. Qui concocta le casse, qui s’assura de l’assemblage, un accro aux yeux pas sans défaut, un coureur de jupons à klaxon presque concon, un tueur de cogne à chewing-gum à la gomme ? Le papounet de la seconde précitée, CQFD, ex-policier remercié en raison de ses « idées politiques » hors de saison, vade retro, coco. Nos anti-héros en écho, chauffeur-livreur et à pipe pêcheur, ne songent pas seulement à laver leur honneur, ils espèrent récupérer leur part de galette suspecte. Rien ne se passe comme prévu, l’amour et la mort s’invitent au menu, le Joe d’imbroglio décroche en coda un cœur, une récompense et un emploi, de l’assureur consolateur oraison et bénédiction incluses, je ne m’abuse. Film noir en définitive optimiste, KCC donne à voir une représentation de la violence munie de réalisme, non démunie de dolorisme, infligée en reflet selon les forces supposées de l’ordre ou celles censées du désordre. Jack Elam, John Payne, Lee Van Cleef ne comptent plus les mandales, les beignes, les gifles, leur cigarette aigrelette pourrait occuper en dernier le condamné. Formé au bas de gamme de la Monogram, l’économe Karlson ne déconne, boucle sa moralité pas si démoralisée d’American money au bout de quatre-vingt-seize minutes de tumulte devenu culte. Moins solaire et cynique que le John Huston idem exilé du Trésor de la Sierra Madre (1948), autre conte de vénalité, de vanité, il décide de situer le dénouement de son thriller pas d’amateur, aux multiples amateurs, gangsters puérils, dénicheurs cinéphiles, sur un cercueil flottant, un bateau tombeau, où périt, tant pis, le père cerveau. En résumé, tout ceci constitue un divertissement divertissant, de son temps, plein d’allant et de rebondissements, mon enfant.        

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