Bastille Day

 

Un métrage, une image : Le Chevalier à la rose rouge (1966)

Si le hasard ne saurait exister, surtout au ciné, s’il n’existe en substance que des correspondances, plus ou moins pertinentes, la prise de conscience sociale de Rose rosse per Angelica précède celle de Uomini contro (Rosi, 1970). On connaissait le cavalier coloré de Richard Strauss, homonyme allemand (Der Rosenkavalier) ; on se souvient bien sûr aussi du guère révolutionnaire La Tulipe noire (Christian-Jaque, 1964), déjà adaptation davantage qu’infidèle d’Alexandre Dumas, déjà coproduction européenne en costumes entre l’Espagne, la France et l’Italie. Ici, la communiste Raffaella Carrà (La Longue Nuit de 43, Vancini, 1960) se substitue à Virna Lisi, voui, tandis que Jacques Perrin, parce qu’il le valait bien, remplace donc le dédoublé Alain Delon. Plus politique que Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952), Le Chevalier à la rose rouge décrit en définitive non la « fin du monde » mais la « fin de la tyrannie », eh oui, résumé in extremis de liesse républicaine, quand bien même une femme armée demeure un danger, en effet, a fortiori dessillée, détrompée, par conséquent deux fois cocufiée. Au début, visiteurs malvenus, en train d’exposer sa réputation d’aristocratique coureur de jupons, en train de s’extasier sur la beauté de sa rouge roseraie, le personnage de Perrin, dénommé Henri de Verlaine, womanizer et non à voile et à vapeur, tant pis, Paul, feint de se passionner pour Pascal, éconduit les intrus sans être malotru, ne boude le boudoir dissimulé derrière une bibliothèque, chouette, où il ressort et ressert de manière experte de similaires sornettes à ses lucides et cependant conquises conquêtes. Apolitique et priapique, il profite de son fric, de sa jeunesse, du système, jusqu’à l’arrivée, suivant la perspective adoptée, d’un voleur ou justicier masqué surnommé le Marseillais, Rouget de Lisle ne se fait pas de bile. Pragmatique et démocratique, puisque le séduisent les servantes ou les marquises, le point viril hors du lit Verlaine connaît le ridicule, s’en amuse, héberge le Robin des Bois en plein trépas, endosse subito l’identité du décédé, sorte de Cid qui se déguise et devient ainsi le vrai Verlaine, en bonne orthodoxie nietzschéenne. Ami d’un médecin presque neutre, pas pleutre, il assiste impuissant à sa pendaison de saison, prend illico de drolatiques leçons d’escrime, menées en montage alterné, exercice et ensuite pratique, trafique une liste un peu à la Mission impossible (De Palma, 1996). Tout cela n’empêche Antoinette et d’Artois, de mèche, de s’embrasser au creux d’une calèche, acteurs et spectateurs mis en abyme de l’agonie jolie d’un vil régime. Maria, c’est-à-dire à Rome Angelica, Michèle Mercier dut apprécier, subit un soupçon de torture, les femmes loyales, anti-royales, il faut les fouetter, philosophe le fieffé La Flèche, sinon essayer de les noyer, olé. Rassurons le lecteur, les privilégiés ne finiront vainqueurs, Henri & Maria s’aimeront de tout leur cœur, à leur mariage en mairie, ils écouteront peut-être du Delpech, Marianne, ses cinq fils et « tutti quanti », comme dit Jacques tout sauf fataliste. Caricaturiste en compagnie de Fellini, scénariste autrefois de Freda, cinéaste solide et stakhanoviste, directeur de moult actrices et acteurs, dont un certain Bud Spencer, Steno accomplit du bon boulot, adopte un bon tempo, sait mettre en valeur la verte vigueur d’évocateurs extérieurs, délivre un divertissement bon enfant et assez intelligent, au lieu d’un métrage marxiste si sentencieux.    

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