La Défaite de la pensée

 

« Évolution » ? Évaluation. Magritte ? Ma trique... 

Fi de la difficile philosophie, du plébiscite surprise du narratif, à défaut de festif, Le Monde de Sophie, en sus de tous vos soucis, ennuis, maladies : voici l’ami des fourmis dans les pas de Paulo Coelho illico. Le Livre du Voyage, en vérité subjective digne d’être réintitulé Le Vide du viandage, (r)appelle à l’impitoyable parallèle : d’un côté l’admirable montagne de Ainsi parlait Zarathoustra, de l’autre la colline collective de L’Alchimiste, itou best-seller de naguère. Le bréviaire scolaire de Werber s’inscrit au sein malsain de ces ersatz de masse et d’impasse, dont la dimension de sagesse existentielle ne dépasse les concons conseils d’un pensum de développement personnel. Si le tracé du lecteur mis en abyme, qui ne souhaite surtout pas susciter sa déprime, déconseillé pour les ventes, tu penses, ou plutôt tu t’en abstiens, moyen de rester serein, évoque le CV en accéléré, un brin pseudo-tibétain, de Enter the Void (Noé, 2009), l’ensemble désolant, jamais stimulant, transformerait fissa le fêté Jonathan Livingston le goéland, ici cité, CQFD, matrice apocryphe, ho hisse, en modèle à suivre, sommet d’esprit libre. Appréciez, au passage, que les deux auteurs, désignons-les à regret de cet abus de langage, partagent un même émétique rousseauisme, connaisseur d’Austerlitz mais pas d’Auschwitz ; à la bonté naturelle du volatile « véritable » répond donc la « gentillesse » humaine, amen. En cent soixante pages de « petites phrases courtes » opposées au moindre doute, cartésien ou point, le nullard Nanard de traquenard convoque sa cosmogonie mimi, l’air, la terre, le feu, l’eau, ex-aequo, nous ramène en plus à l’utérus, à la (re)naissance, à l’enfance, au « Big-Bang », bigre. Être de « Lumière », ne désespère, car tu vas vaincre tes adversaires, d’aujourd’hui, d’hier, te défaire de ton reflet en effet défait, du poids de ton moi, de tes années enfin pacifiées. L’item s’intronise « miroir », désire dispenser ses « bienfaits », ne demande qu’un moment de notre temps, une « heure » de notre cœur, « contrat » sympa, rassurant « refuge » du « chez soi ». « Je n’écris pas pour consoler » soulignait Sade, intrépide et lucide. Werber ne l’invite guère, le voue à l’enfer, pas celui, presque obsolète, d’une bibliothèque, mais l’homonyme d’un moralisme d’attitude positive, salut Lorie, pourtant pas comprise dans la coda playlist, aussi futile qu’infantile. Le sévère Werber vomit « l’animalité » des hommes, leur émotivité irraisonnée, leur tendance à l’accoutumance, « la drogue, la religion, la connexion », attention, ne redoute en outre une spiritualité de « mutant », située vers « 250 000 ans », à faire frétiller des dauphins malins, « télépathes », tu m’épates, issus du bienheureux Grand Bleu (Besson, 1988). Indigne d’une dissertation de classe de terminale, « conte » autoproclamé capable de « changer le monde », envol qui bas vole, vole au ras du sol, calamiteux et orgueilleux, adoubeur d’albatros loin du baudelairien, l’excrément méprisable et méprisant assume sa détestation de « l’érudition », réhabilite les « imbéciles », Forrest Gump applaudit, ne prise les « grands livres classiques », empeste le politiquement correct, manie le manichéisme, l’écologie jolie, ah, Gaïa, remédie aux « illusions » de l’humide méditation, met en scène le magnanime « Système », un métaphorique combat domestique, « l’humour plus fort que la mort », l’ésotérique numérologie, les âmes sœurs, le pedigree + la lignée d’un bonheur de l’horreur.

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