La Moustache

 

Un métrage, une image : Le Moustachu (1987)

L’unique film du discret puis décédé Dominique Chaussois associe ainsi Les Barbouzes (Lautner, 1964) à Drôle d’endroit pour une rencontre (Dupeyron, 1988), Le Grand Blond avec une chaussure noire (Robert, 1972), encore Rochefort, revoilà Vladimir Cosma, au Dîner de cons (Veber, 1998). Le mal piégé mais bien nommé Duroc, indeed « indestructible » davantage qu’imbécile, peut aussi évoquer le Clouseau de Blake Edwards. Rochefort, toujours moustachu, affronte donc Brialy, bien sûr barbu. L’histoire se passe en 1986, la vignette l’atteste ; un an avant s’affichait « l’affaire du Rainbow Warrior », dont « l’affaire du Bourget » paraît le diégétique reflet. D’un fiasco à l’autre, on substitue au sabotage de bateau écolo celui d’une automobile destinée à des terroristes peu portés sur la mythique « douceur féminine », plutôt sur le sérum de vérité in extremis, quelle malice, à soi-même injecté. Comme Mission impossible (De Palma, 1996), Le Moustachu commence in media res par une mise en scène au carré, le logo de Canal+ repéré, un général interrogé, à deux (et trois) caméras filmé, prié d’attendre la question posée du journaliste à sa réponse intempestive et belliciste. En uniforme de fantoche, Trintignant ne perd pas de temps, dur de la gueule et dur de la feuille, la scène d’exposition le transformerait presque en espion, micro détecté illico. Le nouveau venu, vieux bizut, spectateur en écho au spectateur, apprend en un instant les tenants et les aboutissants de l’entreprise stratégique, la valide vite. Au creux d’un couloir, la comédie à demi noire s’y clôturera, il met en garde Leroy, roi à moitié nu, quasi déchu, somme la DGSE de bosser avec la DST, ne sait anticiper le complot ourdi en duo, tandem décidé à le discréditer, auquel un vrai-faux déménageur de Demeco et du second service secret va participer à l’insu de leur plein gré, y perdre la vie, tant pis pour lui, pietà de parking et de mimine en miette. « Conseillé » par Trauner, Chaussois choisit  une sorte de picaresque immobile, tisse une tragi-comédie respectant les trois unités d’action(s), de lieu et de temps. Après le prologue en diptyque, un chouia claustrophobique, Le Moustachu s’aère, se soucie d’espace, sa géométrie ne saurait certes dégager celle de Lang, capable de dessiner un plan de ciné à l’instar d’un plan de bâtiment. Le massacre express de l’équipe intrépide de Tommy Cruise, condamnée à être décimée d’entrée de jeu dangereux, solitude de la star, de l’agent esseulé, masqué, manipulé, pimentait la paranoïa du métier propice à la perte d’identité d’une dimension œdipienne et méta, marotte de De Palma. L’individualité de l’increvable Duroc, son individualisme à l’épreuve de tout et surtout d’une explosion motorisée différée, idoine deus ex machina d’entrepôt, de cadavres subito presto, relève en vérité du survival, du darwinisme, d’une supériorité d’être asexué, consciencieux et astucieux. Tandis que les sbires à sourires eux-mêmes s’éliminent, que le gradé convoque le rescapé à cane et bras bandé, une séide livide, aux sourcils rasés, décède soufflée, une « fille » anonyme, emmerdeuse et moqueuse, aux remarques homophobes, aux « amis homosexuels », s’évanouit dans la nuit. En Indochine, en Algérie, ailleurs ou ici, la survie se paie au prix de l’égoïsme, sinon de la misogynie, amère moralité d’un cruel insuccès, co-produit par Paul Claudon, partenaire d’Étaix, Blier, Perrin ou Jolivet. Doucement drolatique et en sourdine insolite, muni d’un Maxime Leroux à rendre le fort Rochefort jaloux, Le Moustachu ne mérite ni les louanges ni l’oubli, en mineur divertit et séduit, même s’il ne sait s’intéresser à la grâce sexy de Grace de Capitani, actrice assez sous-estimée, hélas souvent réduite à sa blonde beauté, misère de l’imaginaire d’un certain cinéma français, d’un métrage sans hommage, qui la bâillonne de façon symbolique et la place face à un clan gitan plus épris d’argent que de gang bang, de quoi rendre très patraque le si gentil Kendji Girac…  

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