Le Cœur révélateur

 

De Jim Morrison la prière américaine ou bien de « l’orphelin » la même peu sereine…

Antidémocratique, antisémite, misogyne, voire homophobe : la médiocrité de la modernité, moralisée, victimisée, fissa ferait second procès aux notes de choc, parues posthumes, moins remises en cause et renommées que de fameuses « fleurs maladives » désormais à demi fanées, embaumées dans le « cercueil de verre » solitaire, dirait Bradbury Ray, d’un herbier scolaire ou universitaire. La valeur de l’auteur, l’usure de la lecture, sinon de la littérature, l’hyperbole d’une époque, réseau social parfois infernal, professeur de lycée décapité, convoi motorisé de civils ukrainiens massacrés, « foire aux atrocités » ballardesque et médiatique en rime au « tissu d’horreurs » de la presse écrite, « apéritif » émétique, font que les foules s’en fichent, en bref et en définitive. Redécouvrir Fusées, Hygiène, Mon cœur mis à nu, ne ressemble ainsi à un salut, d’âme ou de bienvenue, même si Charlie s’en soucie, espère se persuader des bienveillants bienfaits du « travail » vaille que vaille, six jours sur sept, sacerdoce honnête, sorte de méthode Coué de catholique contaminé, dont on hésite à sourire ou se gausser. Rédigés en différé, à trente années ou en fin de CV, les textes prétextes s’inspirent en partie d’une astuce de Poe, reprennent et malmènent le confessé, un peu con, très fessé, Rousseau. Chaque critique d’art, celui-ci a fortiori, sait que l’absolue nudité ne saurait exister, que le dévoilement n’équivaut au dessillement, que l’exposition ou l’exhibition conduisent à la dissimulation, le « paradoxal » Diderot et les actrices de X, « femmes damnées » filmées, numérisées, opinent en prime. Si le cœur of course révélateur se trouvait au sein pas si malsain du faisceau des fleurs, le triptyque intimiste, en vérité diptyque désordonné, découpage d’éditeur, propose des épines de l’esprit, aphorismes un brin nietzschéens, perspectives que la maladie rendit vite invalides. Lui-même fusée ou foudre éphémère, Baudelaire, qui vomit Voltaire, ne s’y livre à livre ni cœur ouvert, plutôt y précise ses protestations, ses préoccupations, ses conceptions ès sexe(s) et société, poétique et politique, France et Belgique, entre dandysme et christianisme, mysticisme et pragmatisme, mère et mer, amours en miroir, plus doux qu’amers. La « position du tireur couché » de Manchette adoptée, CB dégomme des femmes et des hommes, par exemple réduit en cendres une certaine Sand, incite à « organiser une belle conspiration pour l’élimination de la race juive », le prisonnier de Mein Kampf y remédiera, sans le lire s’en souviendra, pérore encore à propos de la peine de mort, sa puissance symbolique de « sacrifice » consenti, pardi. L’amour, le sommeil, Maria Clemm & Robert Houdin, le « ridicule d’un prophète » ou la « charité d’un médecin », Céline se signe, Dieu & Satan, Hugo et le Temps, tout se résumerait à une « colère » à « dater », CQFD. Tandis que les humanistes et les progressistes font grise mine, Baudelaire ressort et ressert, se moque de Molière, ne s’avère guère révolutionnaire, évacue d’une revers le littéraire Robespierre, aspire à l’aristocratique, parie à la Pascal, s’ennuie ici, royaume des « métaphores militaires », pays de la « pionnerie », souligne le sado-masochisme de l’impure puisque populaire dictature, s’interroge à moitié morose au sujet de la « destruction des races d’Occident », annonce quasi de Renaud Camus le retentissant « grand remplacement ». Voici le styliste cinéphile, car « culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion) », on croirait écouter le père Dreyer, mélomane mathématique, ésotérique, contempteur du « commerce » et donc des « commerçants », comprenant un primordial « malentendu », à la (Albert) Camus bien entendu, qui insiste sur l’immortalité des idées, la « dynamique » du messie, « l’infamie de l’imprimerie », le « péché originel » pérenne, le progrès à la truelle, le risque du suicide et de « l’hystérie », la sienne jadis « cultivée avec jouissance et terreur », le sensuel et déréglé Rimbaud salive, aujourd’hui peut-être guérie, auto-encouragement d’un convalescent décidé à ne plus dépenser en « niaises curiosités » le précieux temps, observer les « pressentiments », « supprimer tous les excitants », hygiène de (sur)vie loin de l’assassin point hashischin de la belge Amélie (Nothomb). Le portraitiste impeccable du Spleen de Paris, des artificiels Paradis, laisse au lecteur, « hypocrite, semblable », fraternel, l’impudeur de son propre cœur, tendre et cruel…         

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