Un chant d’amour

 

Boucle (dé)bouclée, moyen métrage emprisonné, homme protéiforme salué…

1967 : Perrin (dé)peint l’étoile de ses toiles, marin romantique, homoérotique, magnifique, à rendre humides les demoiselles (de Rochefort, d’abord) et (ra)mollir les mecs, même s’ils ne l’admettent, modèle de mélancolie solaire auquel répondra le Querelle (1982) crépusculaire de Fassbinder. 1988 : Perrin se souvient, de l’enfance d’autrefois, du décès du cinéma, déjà, lieu social de lien social, de projection alors artisanale, surtout en Sicile, aussi le cinéaste esseulé pleure de bonheur, devant le bouquet de baisers censurés, laissé en legs par le trépassé Noiret, il en oublie Berlusconi. 2022 : Perrin s’éteint, sans doute serein, à quatre-vingts ans vécus sans perdre de temps, acteur de valeur, financier jamais épicier, documentariste écologiste, cinéphile sincère et sensible. Au ciné, on le vit dans La Vérité (Clouzot, 1960), « Et Satan conduit le bal » (Dabat, 1962), Compartiment tueurs (Costa-Gavras, 1965), Z (Costa-Gavras, 1967 + coproducteur), Peau d’Âne (Demy, 1970), Le Désert des Tartares (Zurlini, 1976 + coproducteur), Parole de flic (Pinheiro, 1985), Les Demoiselles ont eu 25 ans (Varda, 1993), Le Pacte des loups (Gans, 2001), Les Choristes (Barratier, 2004), Le Petit Lieutenant (Beauvois, 2005), on l’entendit dans la VF du Parfum (Tykwer, 2006), substitué à Sir Hurt. À la TV, il collabora encore avec Alain Delon, ange blond versus brun démon, via Frank Riva, ou avec Olivier Marchal (Borderline). Sourire irrésistible, douceur virile, discrétion d’un mecton d’action(s), doté d’une solide lucidité, au sujet de lui-même et du milieu/métier, Jacques Perrin contribua de surcroît à l’accomplissement de La Victoire en chantant (Annaud, 1976), Le Peuple singe (Vienne, 1989), Microcosmos : Le Peuple de l’herbe (Nuridsany & Pérennou, 1996), Himalaya : L’Enfance d’un chef (Valli, 1999), Mia et le Lion blanc (de Maistre, 2018), projets très singuliers, a fortiori au sein de l’écosystème franco-français, tant pis si a posteriori pas toujours réussis, travailla ici et en Italie, récolta les honneurs du labeur, les récompenses de la persévérance. Au-delà de tout cela, CV individualisé, qui demeure en partie dissimulé, carrière assez exemplaire, en grande part aventurière, une vie à la revisiter ne conviendrait, la mienne à peine me permet-elle une nécrologie jolie, eh oui, il matérialisa une certaine idée de la moderne masculinité, accessible à la sentimentalité, à l’idéalisme, au lyrisme, que l’accompagnent ou pas Legrand & (les) Morricone en paire de spécialistes (Les Demoiselles de Rochefort, Demy, 1967 et Cinema Paradiso, Tornatore, 1988). Fils d’un souffleur jadis régisseur et d’une comédienne, frère d’une actrice éphémère, Éva Simonet, elle-même en 2020 décédée, élève du Conservatoire découvert par le gay Carné (Les Tricheurs, 1958), Perrin connaissait parfaitement, en raison de son environnement, la fragilité des formes, artistiques ou géographiques, la nécessité de les observer, célébrer, protéger, prodiguer. La Vingt-Cinquième Heure (coproduite avec l’épouse Valentine) sur le petit écran, Les Enfants de Lumière (coréalisé avec le monteur Deschamps, 1995) sur le grand, participent de ce souci disons ludique et pédagogique, poétique et politique, de ce désir de transmettre la multiplicité d’un jeu sérieux, tamisé selon un type talentueux. Pendant que le pays patraque fait débattre la droite et l’extrême droite, l’appréciable Jacques Perrin rejoint Michel Bouquet, peut-être, qui sait, Jean Genet…    

Commentaires

  1. Olivier DAZAT ne distinguait guère l'acteur Jacques Perrin de ses prestations dans les films de Pierre Schoendoerffer en parlant de l'homme comme une figure à la fois digne des films de Melville et également étrangement symbolique d'une recherche de l'absolu à la Balthazar Claës.
    L'acteur a alterné les rôles d'hommes tenus par la parole donnée et prêts à payer le prix fort pour tenir leur serment jusqu'au bout, mort à la clef, à des rôles plus légers et même dans un autre registre mais toujours quelque peu inquiétant sous des dehors lisses, il a beaucoup contribué au succès de la mini-série télévisuelle "Le Château des Oliviers" .
    Son parcours de réalisateur de documentaires animaliers me fait quelque peu penser à celui de Maurice Ronet, sans doute une blessure secrète nourrissant quelque part une force interrogative dans ce face à face avec la nature, le langage subtil des oies, auditif mais pas que, entr'aperçu dans le Peuple migrateur est si impressionnant que l'être humain s'en trouve ravalé à un degré autre que sa prétention destructrice , rien dans la violence entre animaux ne peut égaler la force destructive des bipèdes dits supérieurs, un leitmotiv dans les films si personnels de Perrin (et dire que certains labos imaginent utiliser les oiseaux migrateurs comme vecteurs de dispersions de virus génétiquement modifiés comme arme dévastatrice, ça laisse sans voix...)

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    1. Olivier Dazat coécrivit Himalaya, Christophe Barratier, neveu de Perrin, y fit office de producteur délégué, sa mère, donc la sœur de Jacques, Éva Simonet, servait d’attachée de presse : film familial et film en famille, en effet.
      The search of perfection is all very well/But to look for Heaven is to live here in Hell susurrait Sting, en train d’étudier le rêve des tortues bleues.
      https://www.youtube.com/watch?v=5JklHGVUa_c
      Dans Vidéodrome (David Cronenberg, 1983), le signal viral de l’invention du bon O’Blivion provenait de la TV privée, en « torture porn » spécialisée.
      https://mcronenberg.wordpress.com/2016/04/16/nouvelles-images-et-anciens-dualismes/
      Bestiaire de guerre :
      https://www.youtube.com/watch?v=OcdesSRM-SQ
      https://www.youtube.com/watch?v=SlL0N7uK6pE

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