Midnight Express

 

Un métrage, une image : Let Us Prey (2014)

Mer mortifère, noir désespoir, étrange étranger, dressé sur rocher, corbeaux comme Les Oiseaux (Hitchcock, 1963), femme flic au sommeil difficile, séquestrée, abusée gamine, ville vide, chauffard du soir, commissariat de scélérats : le prologue de Let Us Prey donne le ton, annonce la sombre couleur, celle d’une noirceur non plus « tombée » du ciel, majuscule optionnelle, mais « levée » sur la cité désertée, au sein malsain de laquelle semble (sur)vivre, en sursis, une poignée d’âmes damnées, condamnées, celles, aussi, de l’habitacle des deux bagnoles, rouge et jaune. Avec son intitulé connoté, jeu de mots illico (prey pour pray), ses personnages au bord du naufrage, métaphore formulée par le commissaire-capitaine, un compte à rebours hérité autant du conte, minuit, pardi, que de la mise à mort minutée, made in USA, ce film irlandais trop propret, en dépit d’instants saignants, il faut s’y faire, vous voici en enfer, majuscule optionnelle, bis, assez soigné, à défaut de stylé, chronique cinq heures fatidiques, ne pouvait probablement se penser, s’exécuter, terme approprié, que parmi un pays désuni, au conflit fratricide, à la foi d’effroi. Délaissant une dimension politique jamais développée, exploitée, Let Us Prey se déplace sur l’espace du métaphysique, de l’éthique, de la déontologie à l’agonie. Le huis clos nocturne, quadrillé en widescreen, c’est-à-dire déjà surcadré, pas moyen de s’échapper, de se racheter, accumule les « crimes », les « victimes », carbure à la culpabilité décuplée, d’un grand adolescent alcoolique au volant, d’un couple adultère en uniforme, porté pendant la copulation sur le dirty talk, ailleurs adepte de la baston, de la pendaison, donc de la loi du talion, d’un médecin assassin, famille massacrée, quête de l’immortalité, d’un professeur tabasseur, les élèves, qu’ils crèvent, ma femme, qu’elle me pardonne encore, qu’elle retire sa plainte dès demain, nous le valons bien, et last but not least d’un supérieur trompeur, policier un peu pédé, qui découpe ses proies, se stigmatise, se fabrique fissa, en fil de fer, une couronne christique, qui adoube le bélier, out le bouc diabolique, in l’objet pratique, qui finira la face défoncée, prix de ses péchés, un salut sans salut à l’extincteur vengeur de Irréversible (Noé, 2002). Au terme du requiem, du châtiment des méchants, demeure la chère Rachel, au milieu, ensuite à l’extérieur, de flammes a fortiori éternelles, amen. La survivante au carré va-t-elle succomber à la demande d’illimité outrage, presque en mariage, de l’ange exterminateur en train de fumer, de la retrouver, longtemps après ? Elle dit oui, elle accepte l’infernal « paradis », majuscule optionnelle, ter, puisque notre monde immonde, démuni d’amour, délesté d’elle, s’avère « glacial », se réduit à que dalle. Ainsi, in extremis, le moralisme se mâtine de romantisme, Let Us Prey s’en vient résonner, certes de façon assourdie, amoindrie, en écho à Mankiewicz (The Ghost and Mrs. Muir, 1947), tandis que jusque ici, il se souvenait surtout de Assault on Precint 13 (Carpenter, 1976) et Needful Things (Heston, 1993). Animé, mot idoine, selon un casting choral quasiment convaincant, que surplombe l’experte Pollyanna McIntosh (The Woman, McKee, 2011), desservi via ses effets sonores à dormir dehors, drolatique en sourdine, le premier essai imparfait reçoit l’absolution grâce à sa solution de conclusion, étonnante, cohérente, optimiste, pessimiste…                

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