Les Visiteurs

 

Un métrage, une image : Communion (1989)

Commencé comme une comédie domestique, puisque PC planté, canard cramé, pompiers dépités, amende accordée, Communion – titre explicite, a fortiori de la part d’un auteur catholique – se transforme fissa en mélodrame familial, doit la majeure part d’un indéniable charme aux excellents, attachants, amusants, émouvants, Christopher Walken & Lindsay Crouse, le premier recommanda la seconde, dans son sens on abonde. Si le méconnu Mora, signataire aussi des a priori dispensables Hurlements 2 (1985) et 3 (1987) manque d’individualité, apprécie les œuvres d’art et les travellings compensés, il dispose d’assez de précision pour permettre au beau couple de ciné de pleinement s’exprimer, donner à ressentir un sentiment d’intimité, d’adulte (re)connaissance et de solidaire complicité. En surface, voici donc de la forestière ufologie, des Blue Visitors, ainsi les désigne le générique, d’accord, du ravissement pas un instant ravissant, de l’exploration rectale et tribale, séquence surréaliste sise entre le risible et le sublime, les conséquences de l’incompréhensible. Déjà deux fois adapté au cinéma (Wolfen, Wadleigh, 1982, Les Prédateurs, Scott, 1983), ensuite relu par Emmerich (Le Jour d’après, 2004), Whitley Strieber verse vers le documentaire, le bienvenu best-seller, l’autobiographie de « true story », le scénario d’insuccès, lui-même spectateur désappointé de certaines libertés. À l’instar de Dead Zone (Cronenberg, 1983), des indices du malheur à venir précèdent le bonheur à décrire, car les cordes de Clapton survolent un nocturne New York, car un récurrent cauchemar de hom(m)e invasion réveille l’écrivain resté juvénile, lisant sa propre prose à haute voix tel Flaubert naguère. Il mène une belle vie, sa belle épouse le lui dit, ils élèvent un enfant pas méchant, ils se réchauffent au chalet, au tandem d’amis invités. Ce meilleur des mondes aussitôt sombre et malgré ou à cause de l’inconnue clarté, « l’esprit se casse », le divorce menace. Américain, armé, le romancier tourmenté, peut-être homo contrarié, en viendrait à descendre sa moitié, croit avoir son minot contaminé. Dans Au-delà du réel (Russell, 1980), Hurt l’universitaire recherchait l’origine de l’univers, merci au « caisson d’isolation sensorielle » et au produit psychédélique. Ici, Walken va voir une psy, spécialiste ès viol, personne ne rigole, la Frances Sternhagen idem doctoresse de L’Esprit de Caïn (De Palma, 1992), qui pratique « l’hypnose régressive » et la prise de parole collective. Tout cela, très sympa, ne suffit pas, il faut se rendre sans tarder à l’endroit du trauma, dépasser le stade de « l’hallucination », accepter le statut de « l’élection ». De retour auprès de ses amours, le « triste » Strieber sait quoi faire, c’est-à-dire écrire sur ce qu’il vient de traverser, ce que vous venez de visionner. « Folklore » exotique ou rencontre du troisième type, Communion ne répond ni oui ni non, se focalise en profondeur sur un processus de création, interrompu, repris, ressemble à une réponse positive à Shining (Kubrick, 1980), autre psychodrame hivernal, à père pareil, apeuré, impuissant, inquiétant, mari lucide, homicide, artiste raté, possédé, au propre et au figuré, à l’insu de son plein gré, par les fantômes du passé d’un hôtel enneigé. Boucle bouclée, le conte se conclut sur un toit, un supplémentaire regard caméra, après de moraux monologues au musée, Pulsions (De Palma, 1980) à saluer.  

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