Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera
Car le « roman de gare » relève de la « littérature
d’évasion » et d’émotion…
Docteur Dard et Mister San-Antonio ? Oui et non, puisque Poison d’Avril ou la Vie sexuelle
de Lili Pute propose aussi, vingt-sept ans après Le Tueur triste, un
dilemme moral, met au programme un homme et des femmes. Cette fois-ci, on suit
Antoine & Marie-Marie en Espagne puis en Malaisie, escale à Hong Kong
incluse, départ de Pékin compris. En 1996, Alain Peyrefitte affirmera que La
Chine s’est éveillée, mais dès 1985, elle séduit, elle dézingue, façon Félix
Faure, donc grande + petite mort. Carrément contemporain du bouquin jamais
malsain, L’Année du dragon (Cimino, 1985) dut essuyer, on le sait, on s’en souvient, les critiques de quelques autoproclamés représentants de la « communauté
asiatique », alors que le petit polar de Dard ne froissa personne, passa
comme une lettre à la poste. Poseur, imposteur, l’auteur à succès, dissimulé
derrière le nom de son commissaire doté d’une renommée mondialisée,
douce-amère, devenu davantage qu’un pseudonyme, une sorte de marque de
fabrique ? Plutôt un stakhanoviste ludique et presque triste, bis, en écho à Conan Doyle, à l’instar
d’Agatha Christie, confrère et consœur qui en vinrent vite à se lasser des
multiples épisodes des populaires Sherlock & Hercule, si tu recules,
comment veux-tu que je t’encule, pardon, que je (te) pratique « l’anneau
de Saturne » ? Bien que Bérurier & Pinaud rappliquent illico presto, tandem de désenvoûtement,
de sevrage sans ambages ; même si, in
extremis, la police retrouve ses
esprits, « because subconscient » résilient, ne succombant, Freud
s’en réjouit, Poison d’Avril carbure au coup de foudre et au coup de bite, du
racisme et de la misogynie les écueils évite, alterne et entraîne les sens et
les sentiments. Entre la charmante chasteté, la sexualité enseignée,
transcendée, instrumentalisée, en images enregistrée ; entre la prof d’histoire-géo
et la prostituée peu émule de Mao, peu coco, quoique ; entre le buccal et
la sarbacane, les drôles de dragées dédoublées à ingérer, le président des USA
ripoliné à assassiner, San-Antonio en perdait son identité, ses valeurs
avérées, envolées, sex toy à « retourner » contre lui-même, ses
amis sidérés, le camp de l’Occident, que menace en sourdine, depuis une
pittoresque officine, un gang
d’Orient, aux membres munis de dénominations pas piquées des hannetons. Dard
divise l’ensemble en deux parties, commence sur une fiche, termine sur une
nostalgie, cite en liminaire le cher Scutenaire, associe l’enfilage à
l’espionnage. Il retravaille vaille que vaille la figure centrale de la femme
fatale, désormais d’origine orientale, il délivre un exercice de style réflexif,
qui interpelle le lecteur, le fait sourire de bon cœur, adresse de surcroît un
clin d’œil au copain Hossein, n’en déplaise peut-être à Michèle :
« Tu te crois dans la Marquise des Anges, quand les
méchants sultans membrés féroce veulent baratter la chaglatte à la mère Mercier
en douce de Robert qu’est en train de se filer du mercurochrome sur la
balafre. » Ni Rabelais, ni Diderot, ni Céline, San-Antonio (se) résume
ainsi : « Non, franchement, ce roman est superbe, tu verras !
Pour ce qui est du rapport qualité-prix, je vois pas où tu pourrais trouver
mieux. » Poison d’Avril ou la Vie sexuelle de Lili Pute esquisse en
définitive des personnages de langage, des péripéties de péripatéticienne sereine,
sincère, sépulcrale, au « triangle des Bermudes » vibrant de
malveillante béatitude…
Commentaires
Enregistrer un commentaire