The Godsend : The Children


Bienvenue à Bonnie, gamine tout sauf bonne, aux desseins malsains...


Production Cannon méconnue, méconnaissable, The Godsend (1980) s’avère en vérité un produit britannique, dont les qualités équilibrent les limites. Adapté du roman homonyme de Bernard Taylor paru en 1976, donc contemporain de La Malédiction (Richard Donner), l’argument s’inscrit au sein du courant pédophobe de la décennie, le délocalise à la campagne, le replace à mi-parcours au cœur de la capitale. Une famille y défaille, subit des infanticides en série, fausse couche incluse, causés par une gosse adoptée, angelot diabolique désigné par le titre ironique. La coda de boucle bouclée retrace en plein parc le cercle infernal, voit revenir « The Stranger » à nouveau enceinte, en compagnie de ses prochaines proies. Son identification, ses motivations, nul ne les saura, les devinera. La parturiente semble n’aspirer qu’à la faillite des foyers, à l’usure des progénitures, sorte de Médée mutique, sinon sectaire, à laquelle Angela Pleasence, elle-même descendante de Donald, prête ses traits impassibles, pas si angéliques. Face à cette mauvaise fée au hasard rencontrée, l’illustrateur et « l’ex-personnalité de TV » dévissent vite, macèrent dans la colère, pétris de déni, divorce validé. Comme à l’occasion de The Omen, le père impuissant, en sus stérile, ne parviendra pas à se prendre pour un avatar d’Abraham, c’est-à-dire à se débarrasser de son insoupçonnable némésis dotée de malice. Tout ceci se souvient du bouquin de John Wyndham, Les Coucous de Midwich, matrice du tandem en miroir de Wolf Rilla & John Carpenter, Le Village des damnés (1960) + Le Village des damnés (1995), en reprend le cadre bucolique, la comparaison éthologique, retravaille la noyade juvénile de Ne vous retournez pas (Nicolas Roeg, 1973), annonce en douceur la maternité monstrueuse, rurale, de Xtro (Harry Bromley Davenport, 1982).



Venue du « petit écran », rare sur le grand, Gabrielle Beaumont, ici productrice, illustre avec soin le script de son futur époux Olaf Pooley, bien secondée par le DP Norman Warwick (La Vallée perdue, James Clavell, 1971 ou L’Abominable Docteur Phibes, Robert Fuest, idem) et le mélodiste Roger Webb. The Godsend s’ouvre et se ferme sur un mouvement aérien de mauvais destin, d’élection de déréliction. À défaut d’être un cadeau céleste cinéphile, le film superficiel et singulier, mécanique au risque du sarcastique, puisque l’accumulation évacue l’émotion, parvient à créer un climat de conte pour adultes au calme tumulte, à l’onirisme dépressif, plutôt que satanique. La réalisatrice réussit la délicate escapade d’Alan & Lucy, père et fille réunis à proximité de la mer, loin de la mère, solitaires fissa rattrapés par la presse funeste. Elle dirige de surcroît un couple convaincant, mentionnons les noms de Cyd Hayman & Malcolm Stoddard. La meilleure scène de l’ensemble se situe au lit, à contre-jour, en raccord axé, lorsque l’ange exterminateur contamine de ses oreillons le mari endormi. Dans l’édition annotée de sa Foire aux atrocités, James Graham Ballard, écrivain peu suspect de sympathie envers la pédophilie, soulignait à raison le trouble adulte d’un bise enfantine ; dans Shock (1977), Mario Bava radiographiait une psyché maternelle-criminelle très tourmentée, assortie d’une supposée possession incestueuse. On retrouve un peu de cela à cet instant-là, durant ce lent baiser au bord du tabou, qui rajeunit/relit la figure du succube, démone des songes humides. Au royaume magique, maléfique, d’abord enchanté puis désenchanté, un corbeau à la Clouzot ose écrire des saloperies et un rêve marin matérialise le désir de mort.


« It doesn’t happen in real life! Not to real people! » s’écrie la candide, confiante ou trop consciente Katie, « blinded by [her] maternal feelings and nobody can blame [her] for that », mais le spectateur amateur d’horreur sait parfaitement que de tels événements surviennent pourtant dans la « vraie vie », nervalienne ou non, de manière certes moins outrancière, fi de métaphores et de sublimation à la Sigmund. Sous l’ironique portrait d’une générosité mal placée-récompensée, d’un altruisme nocif, sous le filigrane « racial », d’Aryenne guère sereine, destructrice d’accueillante tribu complice, se dissimule ainsi un cauchemar masculin, à propos de parentalité perturbée, de dérangeante altérité, de génitrice hystérique et d’énigme génitale. Un homme derrière l’objectif, The Godsend pouvait passer, a fortiori aujourd’hui, pour un détestable sommet mineur de misogynie, surfant sur le succès de ciné des minots remuants, malaisants. Bannissant l’explicite et le pathos, Gabrielle Beaumont ne filme heureusement point en militante manichéenne, pléonasme, elle préfère escorter le mystère, préciser l’obscurité, ne fournir aucune réponse à l’absurdité d’une destinée, quitte à demeurer à la surface du mélodrame adulte, du scandale sériel, de l’innocence depuis longtemps démentie, en partie, par disons Le Tour d’écrou de Henry James et sa diariste incertaine, sainte ou cinglée selon la perspective du lectorat. Poème en forme de requiem pour famille re/décomposée, The Godsend conserve, quarante ans après, son charme modeste, sa tendresse viciée, sa séduction désespérée. Il méritait par conséquent mon mesuré salut reconnaissant.


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