À nous les lycéennes + Les lycéennes redoublent : Gloria
Mauvaises notes de films médiocres ? Appréciations de saison(s)…
Et tu recherches dans
le vague
Une ombre un sourire
qui soulage
Une voix sans image
Un refrain qui voudrait
crier
Toute première fois
Jeanne Mas
Incontournable « comédie
érotique à l’italienne », À nous les lycéennes (Michele
Massimo Tarantini, 1975) conserve sa mélancolie, car irréductible à une
collection de culottes scolaires, portées-ôtées par des élèves d’ailleurs
largement majeures, rassurons les censeurs de l’éducation, nationale ou non.
Désormais prohibée pour des raisons de victimisation, mesurez le chemin
moralisateur des mœurs, l’imagerie fait joujou avec la lingerie et mumuse avec le
voyeurisme du spectateur, mise en abyme magnanime, via des professeurs fissa suffoqués par une paire de jambes
écartées. Au siècle dernier, des adolescents désœuvrés, délestés de perversité,
durent sans doute s’astiquer en solitaire, en salles, à domicile, fesse VHS, devant
le divertissement tout sauf déplaisant, mais l’ensemble semble dorénavant très
innocent, en vérité déjà démodé dès sa sortie, rendu caduc par le X des seventies, acmé de mitan, déprécié
insipide par l’explicite athlétique du sexe en ligne. Si certain(e)s perçoivent
cela comme de l’exploitation masculine de cinéma homonyme, conseillons-leur
d’aller s’acheter un dictionnaire, d’apprendre à s’en servir, de visionner, si
vous l’osez, les bandes débandantes, les nightmares
nauséeux, de Max Hardcore & Pierre Woodman, puis reparlons-en – ou pas.
Ensuite, Tarantini commettra La poliziotta a New York (1981), salut
à Fufu (Le Gendarme à New York, Jean Girault, 1965), plaisanterie poussive à base de
sosies, d’Edwige Fenech en fliquette, rebaptisée en français d’un oxymoron à la
con, digne des titres ésotériques de Philippe Clair, Reste avec nous, on s’tire,
Aldo Maccione en commun s’y colle, et
Sangraal,
la spada di fuoco (1982), ersatz collectif longuet de Conan
le Barbare (John Milius, 1982), doté d’une épée paupérisée, d’une
arbalète obsolète.
Pour l’heure, au bord du bonheur, il
suit les péripéties de la dorée, adorée, adorable, Loredana, piètre lycéenne de
son état, inscrite d’établissement catho ma non troppo, tourneuse de têtes,
nymphe non nymphette, nymphomane, aux parents séparés, estimables Gisella Sofio
& Mario Carotenuto, à l’amie prostituée, remember Ilona Staller, aux amours compliquées, contrariées. Ici,
en Italie, un enseignant désarmant maîtrise la castagne, satirise les sigles du
terrorisme ; un ingénieur marié, turinois, déflore, déçoit ; un
condisciple bouclé, recalé, vient d’Amérique ; une myope accorte escorte, réconforte ;
un type de placard, accessoirement amant sous le matelas, philosophe au creux
de l’escalier, Socrate point phallocrate. Par conséquent Lori perd sa
virginité, gagne en maturité, ses pensées proférées, sur le divorce symbolique,
empirique, à la saveur douce-amère, surprennent son père et sa mère,
inconscients de ce qui se déroule vraiment, évidemment. Rétive à la vitesse, ferme
lorsqu’il le faut, ôte ta patte de ma cuisse lisse d’auto-stoppeuse guère
allumeuse, stronzo, la fille s’amuse, se refuse, s’offre, songe une seconde,
dégoûtée, à louer son intimité. Derrière l’estival hédonisme romain transparaît
ainsi une tristesse affranchie de la sociologie, qui relève davantage de
l’autobiographie, qui souligne la désillusion du premier essai. Séduite
et abandonnée (Pietro Germi, 1964), Loredana n’en revient pas, s’en
remettra, merci au motard Gianni. Guidé par Gloria Guida, fausse blonde à la
toison sombre, véritable actrice sous-estimée, sous-employée, dont le CV
cinématographique inclut cependant, une décennie durant, des collaborations
avec Fernando Di Leo (le réputé Avere vent’anni, 1978), Steno (Le
Coq du village, 1980), Bruno Corbucci (La casa stregata, 1982)
ou Dino Risi (Les Derniers Monstres, idem),
À
nous les lycéennes surpasse à l’aise son intitulé acclimaté à la Michel
Lang (À nous les petites Anglaises, 1976), s’émancipe de la suite de sketches potaches en mode Les
Sous-doués
passent le bac (Claude Zidi, 1980).
Ouvrage choral et à sa manière
radical, il possède en sourdine, en vitrine, un désenchantement séduisant,
plutôt lucide que puritain. Bien éclairé par Giancarlo Ferrando, DP régulier de
Sergio Martino, citons La Montagne du dieu cannibale
(1978), Le Continent des hommes-poissons (1979), Atomic Cyborg (1986) + La
poliziotta et le Sangraal précités, produit par le
frérot Luciano, dirigé par un Tarantini pas tarte, il témoigne de son temps, du
cinéma d’avant, il immortalise en beauté la beauté des vingt ans de la
touchante, touchée, signora Guida, star
instantanée, presque incarcérée, à cause du registre utilisé. À l’occasion de
l’infidèle doublon des Lycéennes redoublent (Mariano
Laurenti, 1978), les mêmes reviennent, la description dépressive se développe,
se verrouille, sur fond de farce refroidissante. Signé par l’auteur anonyme du
dispensable Il vizio di famiglia (1975), pantalonnade supportable grâce à la
chère Edwige, bis, sa beauté, son
grain de beauté, son adresse, ses fesses, ce métrage automnal rebaptise
Loredana en Angela, reprend le triangle initial, voire le triolisme, reconduit
un running gag automobile, au clou de
kit en écho au Corniaud (Gérard Oury,
1965). Moins dévêtu, plus résolu à tromper les attentes du public a priori
porcin, La liceale nella classe dei ripetenti, délocalisé par la
diégèse à Bologne, bénéficie, outre le renfort de Lino Banfi, de l’abattage
énergique de Gianfranco D'Angelo & Alvaro Vitali. En retrait, rhabillée,
Gloria Guida cède la modeste séduction à autrui, donne l’impression de
traverser une histoire impersonnelle, de vengeance paternelle, se souvenant un
instant du Duce, allusion sarcastique en sus. Finalement, à l’ultime moment,
Angela enlace Carlo, achève l’étreinte précédente, écourtée, de cabine de plage
pluvieuse.
En sort-elle heureuse ? Elle
sourit, le film se termine par un arrêt sur image sur son sourire, ne parvient
à dissiper, à peine dissimulés dessous l’aspect ludique, une glaciation des
émotions, un néant des sentiments, du vandalisme d’orgasme. Tout ceci, débuts
d’une pentalogie jolie, ne saurait certes rivaliser, vous le devinez, avec le
Michelangelo Antonioni de L’avventura (1960) ni le Pier Paolo
Pasolini de Salò ou les 120
Journées de Sodome (1976). Néanmoins le diptyque établit des correspondances à distance
d’érotisme estimé maladif, de supposée libération assimilée à du libéralisme, se
caractérise par sa tonalité déceptive, sorte de réponse mesurée, anémiée, au
cinéma sexuel contrasté de Tinto Brass, corpus
priapique et politique, de jouissance joyeuse et d’inquiétude adulte. Jamais
misogynes, toujours soignés, ces deux items
méritent mieux que le mépris, l’amnésie, la condamnation ou la consécration. Ils
persistent à nous apprendre au présent quelque chose de pertinent, à propos d’un
pays, d’une industrie, de sa psyché, de sa sexualité, précisons par
procuration. Il ne s’agissait pas, en 2019, de transformer du vieux en neuf, de
céder à la nostalgie onaniste, de ranger la cara Gloria au côté de consœurs
supérieures, innombrables donc innommées. Il conviendrait de (re)découvrir dépourvu
de préjugés le tandem en ligne, VF very vintage,
d’y saisir un assortiment de solitudes, le filigrane des larmes visible au travers
des rires, l’alliance stimulante d’élans opposés, marque de fabrique fameuse d’un
style en effet drolatique, transalpin, c’est-à-dire transfrontière et capable de
réjouir, d’attendrir, muni, en définitive, d’arguments de mélodrames sociaux, sexy or
not so.
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