Maria : Cartel


Pendant ce temps, l’admirable Elektra de Frank Miller se marre…


Maria you’ve gotta see her
Go insane and out of your mind
Latina Ave Maria
A million and one candle lights


Monteur autodidacte, venu de la TV, de la publicité, des effets spéciaux, du clip vidéo, de la post-production, CV express fourni par son studio, Pedring A. Lopez aime le cinéma d’action de HK et cela se voit. Il se souvient aussi des Incorruptibles de Brian De Palma (1987), plus précisément de sa batte de base-ball létale. Quant à la coda sous la pluie, elle retravaille avec modestie le prologue épique de The Grandmaster (Wong Kar-wai, 2013). On notera en outre une scène de torture associant la glace et le feu, qui devrait ravir ou faire sourire les proctologues + une baston bicolore, noir et blanc symboliques, entre combattantes de toilettes, viens ici que je te fracasse ta petite tête sur un coin pointu de lavabo, que je t’empale ta compote ad hoc avec mon talon aiguille, bruitage habile. Sinon, au niveau du scénario, tout ceci se résume à une double vengeance, à une histoire de renaissance, de survivance, la suite au prochain épisode, fin ouverte, un brin suspecte. Lily, tueuse consciencieuse du cartel Black Rose, souhaite donner sa démission, rate une ultime mission, ne descend pas, au sein de la villa liminaire, une fillette et sa mère : pour salaire de sa moralité, elle verra sa propre famille décimée, par son ancien bien-aimé. Revenue d’entre les mortes, encore plus forte, Maria prend sa revanche, ange exterminateur expurgé de pitié, de peur, doté d’un docteur/hébergeur formateur, père par procuration, sniper à l’occasion. En retraité protégé, en sauveur pourvu d’un cœur, Ronnie Lazaro hérite du meilleur rôle, drôle et tendre, tandis que les assassins Kaleb & Victor s’en veulent à mort, le premier y passera, cf. supra. La diégèse guère balèze se déroule sur fond d’élections, de supposée corruption, de policiers ripoux, de professionnelles portées sur les coups.


Assurément traumatisé par The Killer (John Woo, 1989), Lopez patauge dans l’esthétisme, le sentimentalisme, le christianisme, prénom en surplomb, sobriquet de Jésus en sus. Substituée à disons Maggie Cheung, Anita Mui et Michelle Yeoh, inoubliable Heroic Trio (Johnnie To, 1993), Cristine Reyes pourrait rappeler la Meiko Kaji de La Femme scorpion (Shun’ya Itō, 1972) ou à la Lee Young-ae de Lady Vengeance (Park Chan-wook, 2005). L’actrice issue de l’écran domestique, transitée par la télé-réalité, ne manque certes pas d’arguments, athlétiques et dramatiques, alors une heure et demie en sa compagnie valait bien une soirée supplémentaire de vote européen mesquin, pas vrai ? Hélas, l’ensemble sombre fissa dans l’ersatz, la paresse, le champ-contrechamp chiant, le casting exécrable, les compositions/chansons à la con, les flashes-back foireux, l’absence désolante d’enjeu sérieux, de violence avérée, tant pis pour l’ongle arraché. Si les séquences de castagne possèdent un certain panache, une estimable lisibilité, elles se voient aussitôt dévalorisées, déréalisées, par de risibles effusions sanguines en CGI. Jamais inquiet, impliqué, le spectateur, même patient, voire bienveillant, évacue vite de sa rétine, de sa mémoire, ce divertissement calibré, à main armée, de dimanche soir, anecdotique téléfilm Netflix qui s’affiche en mélodrame martial au filigrane féministe, fichtre. Demeure, je le disais, la découverte de la svelte Mademoiselle Reyes, cristallisation-incarnation d’un héritage d’un autre âge, d’une autre trempe consistante, désormais essoré par les sinistres sisters de Lara Croft and Co. Dommage, car la force et la fragilité de la principale intéressée méritaient mieux que cette féminité funeste, fastidieuse, comme le démontrent des pleurs de plan-séquence, à l’unisson de la bande-son d’insanités en replay. Un naufrage philippin, truffé de mots en filipino, de termes en anglais ? Une rencontre ratée à propos de politique, d’éthique, de normalité, de citoyenneté, de rédemption et donc d’extermination.


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