May

 

Un métrage, une image : The Victim (2006)

Voici un film fourni en fantômes de folklore et fondus au noir, à dimension méta, coupé en deux en son milieu, porté sur le replay de présence surnaturelle enregistrée. Chez Monthon Arayangkoon, la persona devient un personnage à part entière, doté d’un masque mortuaire, la hantise se matérialise, les rôles se renversent, les identités se dédoublent. Le sang-froid du fameux Paradoxe sur le comédien libertin cède sa place à une incitation à « fusionner » sa personnalité, à force de mémorisation répétée, avec le caractère représenté, comme l’explique la prof de l’incipit un brin lycéen, aux étudiantes indolentes. En matière de méthode, majuscule incluse, celle-ci en vaut une autre, toutefois, au pays de la foi, a fortiori en l’au-delà, on n’incarne pas les morts sans (se) causer du tort, même si encens allumé sur l’autel des décédés. Saupoudrée d’un soupçon d’humour plus ou moins volontaire, la première partie possède presque une valeur documentaire, décrit l’étonnant traitement moralisant réservé aux criminels ou meurtriers menottés, sommés de simuler leurs forfaits. La médiatique mise en scène, à demi drolatique, à demi obscène, d’une justice spectaculaire, putassière, orchestrée au carré par la police et les journalistes, nécessite le recours à des actrices spécialisées, recrutées par exemple au café, afin d’affoler la foule via de vivaces et courus et sexués, sinon sexistes, sévices. L’héroïne intrépide, aux capacités émotives, devient vite une célébrité à saluer, une actrice à salarier. Elle se réinvente en assassinée Miss Thaïlande, victime non plus d’un masculin féminicide, commis par le mutique mari, mais, surprise homosexuelle, d’une jalousie lesbienne, opération à la truelle d’une immaculée chirurgienne, sur danseuse pas assez amoureuse. Soudain, sous l’effet forcément spécial d’une apparition spectrale, le film défaille, la pellicule déraille, on se souvient fissa des flammes de Persona (Bergman, 1966) et Berberian Sound Studio (Strickland, 2012). Tout ce qui précédait constituait par conséquent le premier segment d’une mise abyme estimée imaginative, la césure de frousse du vrai-faux flic fonctionnant en solution de continuité, en suspension d’incrédulité court-circuitée, nouvelle donne d’une œuvre palindrome, en boucle bouclée, qui reformule le motif de la possession, la débutante à second prénom désormais la proie d’une défunte active dans la vie réelle du récit. Muni d’un changement de régime fondamental et aussi astuce superficielle, The Victim déroule le doute, jamais ne déroute, associe le songe, subjectif, au mensonge, collectif, la vérité de l’intimité au simulé du ciné. Malgré sa médiocrité, sa bidimensionnalité, son insipidité de programme ponctué d’emprunts au frisson selon le Japon, citons le diptyque Ring (Nakata, 1998) et Ju-on (Shimizu, 2002), avant le revival à virer du destin point serein de la locale et connue Mae Nak Phra Khanong (Ghost of Mae Nak, Duffield, 2005), l’opus dispensable, outre l’opportunité de donner à découvrir des visages dignes d’éloge, ceux de Mesdames Phitchanat Sakhakon, Apasiri Nitibhon et Penpak Sirikul, réaffirme la nature mortifère d’un art funéraire, miroir ludique et fatidique où s’efface au final l’imposture de figures impures…   

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