Les Gaîtés de l’escadron
Un métrage, une image : Uniformes et jupon
court (1942)
Huit années après Mauvaise
graine
(1934), semé avec Esway, « comédie motorisée un peu au point mort,
d’accord, mais aussi assez soignée, sympathique et même un brin marxiste,
coloniale (contexte historique oblige), finalement morale, voire moralisatrice,
scellant les (presque) débuts de la délicieuse Danielle, à peine adolescente,
du cher Wilder, en français (d’exilé) s’il vous plaît », permettez-moi de
m’auto-citer, le cinéaste/scénariste, encore en compagnie de l’incontournable
Brackett, flanqué du directeur de la photographie Tover, escorté du conseilleur-monteur
Harrison, ne se soucie de « pédophilie », davantage de « mascarade »,
comme le confie l’irrésistible Ginger Rogers à sa propre mère mise en abyme.
Wilder cède en sus l’inceste au Schrader de Obsession (De Palma,
1976), où Geneviève Bujold imitera elle-même sa maman, régressera à l’état de
gosse. Métrage sentimental à l’arrière-plan martial, The Major and the Minor,
remarquez le jeu de mots illico, en
écho à celui de l’accroche de l’affiche d’origine : « Is she a kid...
or is she kidding? », sort en 1942, c’est-à-dire suivant le sillage de la
sinistre « solution finale ». L’amour rend peut-être aveugle, voire
« astigmate », cependant l’on sait que cécité peut parfois signifier
lucidité, cf. M le maudit (Lang, 1931) ou Le Voyeur (Powell, 1960). Kirby
possède certes un œil « paresseux », devra donc attendre la coda, Nevada,
on y va, époux express, réécriture anti-déprime
de Anna
Karénine,
pour être dessillé, conforté dans la clarté du simulacre révélé, voulu avoué, sans
doute deviné, pourtant il voit plus loin que ses contemporains, pré-voit
l’implication des USA, veut s’activer, s’exiler à l’instar du réalisateur, en sens
inverse. Au sein de l’autarcie style Sissi (Marischka, 1956) de
l’académie militaire, attention au supérieur beau-père, à la fiancée à fuir, in fine
maquée avec un banquier, aux cadets obsédés, rajeuni reflet de leurs papounets
new-yorkais, sacerdoce morose d’une provinciale shampouineuse opposée aux allusions
vaseuses et mains baladeuses, la pénible « percée de Sedan » devient
vite le prétexte d’un pluriel enlacement, baiser imposé, repoussé, en prime,
Susie, surprise, magnanime, traite l’avorton placé près du gros canon de
« petit démon » ; en Europe, « la destruction systématique d’un
être humain » prend un sens concret, non plus figuré, va se développer en
massacre de masse, mondialisé, industrialisé, Pearl Harbor le corrobore. Tout
ceci confère une émouvante mélancolie à la mécanique humoristique rythmique,
ponctuée d’emprunts au « film fantastique », orage de couchage, au « film
noir », rencontre de rivales, le produit Paramount alors un instant attribuable
à Universal & Warner. Cynique, ou pragmatique, Wilder désirait créer
quelque chose de « commercial », s’assurer grâce à sa star à Oscar volontaire une seconde
carrière – pari remporté, clins d’œil à Boyer, Garbo, Veronica Lake inclus. Si
Ginger & Ray (Milland) méritent notre estime, le reste du choral casting ne démérite, accessit à Rita Johnson & Diana Lynn
en sœurs (in)assorties, meilleures ennemies. Condensé, drôle, triste en
sourdine, voici du transformisme animé par la sincérité.
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