Est-Ouest

 

Un métrage, une image : Un, deux, trois (1961)

Coca (-Cola) et cocos (pas qu’à Cuba), Nikita (Khrouchtchev) & Ninotchka (Ernst Lubitsch, 1939), Otto (prénom palindrome, relooké illico) & MacNamara (dépassé papa, surpris par Pepsi) : le titre programmatique, rythmique, multiplie les paires (les pères un peu patibulaires) d’adversaires, lui-même dû à un tandem (Diamond & Wilder se souviennent aussi, en sourdine, de l’arrivisme adultère de La Garçonnière, 1960). Le cinéaste ainsi se soucie de Marx (Groucho) & Marx (Karl), (re)visite une ville vive et en ruines, se fait in fine rattraper par une érection (murale, brutale, lamentable) plutôt propice à la scission, à l’hallucination, à la perversion de Possession (Żuławski, 1981), qu’à l’excitation de saison, causée par la callipyge, perruquée, espiègle secrétaire de l’excellente « Lilo » Pulver (Le Temps d’aimer et le Temps de mourir, Sirk, 1958). La précision impériale des cadres confère à la farce festive, rapide, pourvue d’une poursuite presque slapstick, une rigueur très teutonne, tandis que la profondeur de champ du dirlo photo Daniel L. Fapp (West Side Story, Robbins & Wise, 1961) souligne la superficialité de silhouettes simplettes, pas suspectes, puisque esquissées au cours d’un divertissement d’antan, limité mais brillant, mécanique comique démunie de la moindre mélancolie, arrière (Blake) Edwards. Entre RFA & RDA, Berlin & Atlanta, deux semaines et deux mois, le cadre (supérieur, « mein Führer ») décalé, recalé, démiurge du ça urge, navigue à vue, évite les esquifs du capitalisme, du communisme, du nazisme, contourne la torture en musique de la Stasi, travestit son assistant, ex-pâtissier au mess SS, comme au bon vieux temps, surtout celui de Certains l’aiment chaud (1959). En doublon à la Bible, à l’instar des espions selon Graham Greene (Notre agent à La Havane), la parole prend corps, le verbe, majuscule optionnelle, (ré)invente le réel, le simulé (de mensonge, de ciné) recèle sa sienne (cynique, réversible) vérité. Si le pedigree pseudo-aristocratique, fi d’hémophilie, délocalise la gloire d’hier parmi une pissotière, ou l’Europe piètre paradis pour US snobs, la coda consensuelle revient vite vers le conventionnel de la sacro-sainte famille américaine, avant le dernier gag en regard caméra, qui dut ravir Joan Crawford, oui-da. Un, deux, trois accumule les accessoires drolatiques et dérisoires, coucou relou, ballons à la con, décor (sonore) d’aéroport (fourni par le fidèle « Alexander » Trauner), flambeaux pas fachos, Scarlet enceinte, mariage sauvetage, caméo muet, orchestral, de Friedrich Hollaender à l’hôtel Potemkine en prime. Au carrefour de Oscar (Molinaro, 1967), Les dieux sont tombés sur la tête (Uys, 1980), Pretty Woman (Marshall, 1990), cet art poétique et politique connut un échec économique et critique, Kael Pauline encore une crise en pique. Soixante ans plus tard, il n’arrive plus en retard, il mérite de se (re)voir, il fait sans cesse sourire l’instant d’un soir, merci au casting choral impeccable et implacable, surplombé par un James Cagney en énergique majesté, Sisyphe de soda, meilleur ennemi de Benny (Goodman),  clins d’œil à sa cinéphilie compris…

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