Frozen

 

Un métrage, une image : Nightfall (1957)

L’opus poétique et politique s’avère vite une évidente réussite, jadis passée inaperçue, désormais adoubée, reconnue, même admirée d’Ellroy, allez. Cinéaste subtil et stylé, Tourneur met en valeur un scénario écrit au cordeau, Silliphant (Le Village des damnés, Rilla, 1960) ici en lecteur + adaptateur du roman de Goodis le grand. Avec son trio à bravo, Ray à la voix voilée, Keith à la courtoisie d’utopie, Bancroft contre, tout contre, les coups de crosse, avec ses Los Angeles de détresse, de tendresse, Wyoming magnanime, Nightfall nous dit que tombe la nuit, le soleil se lève, la neige piège l’innocence, le départ conduit vers la délivrance. Plutôt que de Ray & Lupino (La Maison dans l’ombre, 1952), on se souvient de Cimino, du Canardeur (1974) illico, autre item de banque braquée, de paquet (de billets) à récupérer, d’écoulé calendrier, l’église à l’école substituée, de couple en (dé)route, d’Amérique (nordiste) magnifique et tragique, ensuite de Voyage au bout de l’enfer (1978), émouvant vétéran, cerf visé, sauvé. Tourneur multiplie les tandems, dont la sœur de Brando en caméo, donne à ressentir un romantisme adulte, une ruralité de mortalité. Construit en boucle bouclée, succession d’énonciation de retours en arrière, de retour à l’origine douce-amère, sur un duel dédoublé, aux adversaires au carré, ce vrai-faux western à voyeurisme bienveillant, celui de Fenêtre sur cour (Hitchcock, 1954) corrigeant, à défilé fini fissa, filons, les (re)voilà, ressemble aussi à un conte de fées trafiqué, à princesse psychanalysée, mannequinée, au creux duquel un ancien du Pacifique, à demi amnésique, à présent, piètre moral(e), « artiste commercial », réapprend la « peur », voit sa vie envahie, par erreur, horreur, à domicile cette fois-ci, via la violence de mauvais génies in extremis en dissonance, tente ta chance, chéris le chasse-neige à rotor qui le sadique drolatique dévore. Entre derrick dangereux, truite rustique, docteur dessoudé, sac à ressac, « soucis, sourires », charmant rapprochement à proximité du pire, « back in the dark », my dear, aphorisme d’activisme proposé après la pesée, Nightfall, pure production d’antan, ne perd ni temps ni argent, fable affable de femmes fréquentables, mi-mère, mi-infirmière, énamourées d’hommes aimables mais tourmentés, agent d’assurance de seconde chance inclus, bienvenu, en réponse à l’invisible Eva, prénom autant connoté que Marie, eh oui, épouse endeuillée, enrichie, jeunette quasi adultère, « récompense » vénère. Au bout de l’aventure, Rayburn/Vanning retrouve sa virilité, sinon sa dignité, tandis que Tourneur, auteur majeur à budgets mineurs, accorde au fric sa valeur infime et de Michael la mâle mélancolie esquive…       

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