Loups-garous : Le Loup des steppes


Voilà qui plaira (ou pas) à Hélène Grimaud, aux ados davantage qu’aux fans de piano.


Tout, vous saurez presque tout sur le loup-garou, en dévorant cet agréable ouvrage à la fois sérieux et léger, textuel et illustré, assez British à défaut d’être exhaustif. L’auteur divisa son essai synthétique en cinq parties, rythmées par une série de courts encadrés. Sociologie de la bestialité, importance du motif dans la culture classée populaire, féminité de la monstruosité, interrogation à propos de sa véracité (via un recours à la vérité des contes) plus quelques conseils pour s’en prémunir, si l’on rencontrait le pire… Ainsi se structure une étude folklorique autant qu’esthétique et psychologique. Le lecteur cinéphile restera certes un peu sur sa faim (de loup, of course), même si des séries TV se voient évoquées. Rassurons-le : les classiques de George Waggener, Terence Fisher, John Landis, Joe Dante, Neil Jordan et leurs avatars modernes signés John Fawcett, Neil Marshall, Len Wiseman, Alfonso Cuarón ou James Isaac apparaissent en bonne place, brièvement mais bien analysés (voire résumés). Jon Izzard écrit de manière claire et simple, avec humour dès l’avertissement pince-sans-rire, et néanmoins privé de second degré – plaie contemporaine, surtout au cinéma – sur un sujet tout sauf bête, dont la pérennité depuis des siècles (antiquité du mythe, de Homère, de Platon), dont le caractère transfrontière (du règne victorien au chamanisme amérindien, en passant par la Bohème selon Universal et les territoires sexués de l’onirisme menstruel), n’en finissent pas d’incarner une bipolarité têtue, velue, terrible et tragique.



Loup ou louve, l’animal en nous se (re)trouve partout, en compagnie, en confrérie, en film perdu, en film méta, en auteurisme zoophile/éducatif, en mélodrame médiéval, en comédie datée, en allégorie nazie, en mystification hexagonale et même en virtuose pâte à modeler ou en superbe dessin animé. La monographie, dédiée aux protecteurs lupins, assortie doctement d’un index, d’un glossaire et d’une riche bibliographie, abonde en trouvailles lexicales, médicales, poétiques, historiques, en échappées vers l’astronomie ou la chimie fantaisiste. Une fois le livre rapide refermé, vous repenserez peut-être, qui sait, dans le désordre, à l’énergie astrale, aux prénoms allemands, à la renarde japonaise Kitsune (une pensée pour Katsuni, ex-hardeuse en train de rédiger son autobiographie, oh oui), au sort lycanthrope jeté par Zeus sur un roi anthropophage, à Odin représenté, à Ozzy Osbourne grimé, aux fables aimables d’Ésope et aux pourceaux asservis de Circé, au moraliste Algernon Blackwood et au mari trompé du bisclavret de Marie de France (sinon au  lobizon d’Argentine, son compagnon disons de malédiction, de génération et de don étatique), au sinistre tueur en série Peter Stubbe, au  pentagramme ambivalent, régulièrement tracé dans le cosmos zodiacal par l’orbite de Vénus, à l’hirsutisme, à l’hypertrichose, à la porphyrie, pathologies triviales et mystérieuses des freaks de cirque d’autrefois, et bien sûr à l’aconit, plante létale baptisée aussi tue-loup. Du reste, chacun peut revêtir la peau du mâle alpha au sommet de la meute ludique et joviale d’un jeu de rôles parmi d’autres. Alors taisons-nous ici, afin de préserver les surprises, de rêver à la lune, pleine et ensanglantée.

En conclusion-extrapolation, cf. notre collection de saison.  

    

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