Buried : The Voices
Six pieds sous terre, mon cher (2)…
Mélodrame d’immobilité, d’irakienne
ubiquité, merci au BlackBerry, Buried (2010), n’en déplaise aux
critiques, à son créateur Rodrigo Cortés, n’évoque Hitchcock, plutôt Poe, au
carré, OK, car le conducteur kidnappé, incommodé, condamné, ressuscite le
souvenir de contes célèbres, contenus dans l’article précédent, en sus celui de
division, de diversion, d’obsession, d’autosuppression, dénommé William
Wilson. Camionneur en sueur, en sursis, in extremis suffoqué par le sable écoulé de son cercueil-sablier, Paul
Conroy s’affole, se fortifie, se filme, s’effondre. Un plan surprenant, en
contre-plongée, en travelling avant, post-générique final, identifie sa
vraie-fausse pierre tombale, son identité, son destin, décalqués sur le quiproquo sado-maso du Monsieur
Klein (1976) de Joseph Losey. Dès l’instant où il écrit ce « Mark
White » patraque, aux sonorités évocatrices, antagonistes, marque en même
temps blanche et sombre (mark/dark), survivant inexistant, localisé au dernier
moment, l’innocent, peut-être pas tant, profiteur, infidèle, suggèrent son
ravisseur invisible, increvable, son (ex-)employeur
trop courtois, rempli d’impitoyable, hypocrite droit, scelle son sort funeste,
se glisse au sein d’un linceul malsain, in
fine, en reflet, devenu le sien. Deux mots ainsi suffisent à affirmer à la
fois un mensonge et une malédiction. Soumis à un stress insistant, à la menace assez surréaliste d’un intempestif
serpent, le civil US résiste, discute avec un spécialiste de la prise d’otage,
avec une épouse apeurée, fait fissa son démuni testament, à son lointain enfant.
Enlevé, enterré, bombardé, licencié, asphyxié, il finira par se couper un
doigt, holocauste ad hoc, toutefois
stérile, inutile. En dépit du suspense,
de la consolation d’une hallucination, sinon du spectateur une manipulation,
une direction, Hitch, à la niche, le snuff
movie de la maternelle consœur de malheur, terrorisée, exécutée, immortalisée,
annonçait la couleur, clouait le couvercle là encore, comme chez l’Émile Zola
de La
Mort d’Olivier Bécaille, mal cloué, olé.
Bien éclairée par Eduard Grau, le DP
du mordoré A Single Man (2009) de Tom Ford, pas mal écrite par Chris
Sparling, le scénariste du risible Greenland (2020) de Ric Roman Waugh,
la co-production cosmopolite, à succès, vite en Espagne et en studio tournée en
continuité, en France deux fois primée, en vérité véhicule oscarisable pour le
convaincant et Canadien Ryan Reynolds, démontre néanmoins ses limites de survival souterrain, en partie trahi par
sa technique. Le réalisateur multiplie les mouvements, accumule les angles,
expose la proximité, prend à cœur la profondeur et perd par son rythmé, voire
rythmique, dynamisme, l’incrédule cinéphile. Le fameux quatrième mur
conventionnel de la scène, théâtrale, cinématographique, on l'accepte, on le
trafique, on le transperce à l’aise, depuis longtemps, tandis que des parois,
surtout celles du trépas, ne se démontent pas, contrairement aux cloisons amovibles,
escamotables, de La Corde (1948), pseudo-plan-séquence et conte de moralité à la
théâtralité assumée, transcendée. Jamais claustro, molto sono, publicité pour
le Zippo, Buried débute à l’instar du Projet Blair Witch (Daniel Myrick
& Eduardo Sánchez, 1999), pupille épouvantée, se termine à la Vampyr
(Carl Theodor Dreyer, 1932), personnage enseveli. Ni imitation de Phone
Game (Joel Schumacher, 2002), ni prophétie
de The
Guilty (Gustav Möller, 2018), il se préoccupe, certes en sourdine, de
politique étrangère mortifère, de puritanisme en entreprise, des victimes en
définitive toujours anonymes, des bourreaux blessés, des « criminels
désespérés », il esquive, par conséquent, l’écueil de l’exercice de style
insipide et arrogant. Dépourvu de rédemption, de secourable rançon, Conroy
cristallise un conflit, une nuit, deux pays, des familles meurtries de
meilleurs ennemis, dont du 11-Septembre le show off, écho
baudrillardesque de film classé catastrophe, élargit à l’infini de l’info, au replay planétaire, un double effondrement
sidéré, sidérant, spectacle presque insurpassable, hormis par les images
manquantes des documentés mais imperceptibles génocides, pas seulement commis à
Auschwitz, une tragédie plurielle à laquelle l’item répond à distance, par
correspondance, au moyen d’un requiem
individuel, d’une chanson de conclusion volontairement concon, à extase autarcique,
géographique, à banjo rigolo, Délivrance
(John Boorman, 1972), vade retro. Fixer la Faucheuse en face, le
cinéma, jeu cruel, essentiel, sert aussi à cela, oui-da.
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