Hartley, cœurs à vif : Notes sur Nina

 

Californienne fraternelle, fornication à fond…

Pensée peinée pour Caroline Cellier (1945-2020)

The more I think about sex the better it gets

Here we have a purpose in life

Good for the blood circulation

Good for releasing the tension

The root of our reincarnations

Kate Bush, Symphony in Blue

Une réplique de l’unique Nina, il n’en existe pas. La longévité de Mademoiselle Hartley ainsi raison donnerait à la prophylaxie sexy : baiser à volonté s’avère vraiment sain pour la santé, des organes, mentale… Depuis presque une quarantaine d’années à présent, l’alias de Marie Louise Hartman tout entend, tout défend, tout entreprend et tout t’apprend. Bien moins éphémère ou suicidaire que la majorité de ses confrères et consœurs de cul et de cœur, cette actrice/réalisatrice classée X finit fissa par devenir figure légendaire, sinon ancêtre tutélaire. La native de Berkeley nonobstant oblitéra sa célèbre université, préféra celle de San Francisco, illico presto s’y diplôma infirmière, elle peut en être fière, fi du fantasme fétichiste assis, rassis, de la secourable et immaculée panoplie jolie, à proximité hospitalisée de ta mort, te faire bander encore, d’accord. À l’instar d’autre stars, cette fois-ci hexagonales, oui ou non adeptes de l’anal, nommées Brigitte Lahaie, Céline Tran, elle passa aussi par la sexologie, confusion des attributions, des actions, des réactions, en partie expliquée par l’expérimentation des épuisantes ou stimulantes, ton humeur du moment, ton horizon selon, situations. Effeuilleuse chez les frères Mitchell, par ailleurs auteurs du pionnier Derrière la porte verte (1972), et ancienne danseuse go-go pour gogos à Frisco, fric pas si facile, destiné à financer les études médicales précitées, Marie Louise se renomma Nina, se métamorphosa en camarade callipyge, se réinventa en vétérane diva. Si Brigitte Bardot idem se dédoubla, on le sait, à l’insu de son plein gré, en BB, fatales et musicales initiales, Nina Hartley se vit vite surnommée Bubble Butt, allitération drolatique de perfection anatomique, worship my ass, indeed, culte peu occulte, regarde-moi droit dans mes yeux bleus, heureux, pauvre spectateur malheureux.


De la scène tout sauf obscène, où se trémousser, se semer, afin de récolter quelques billets, exercice capitaliste de pseudo-putain, l’air de rien puritain, puisque mater mais ne surtout pas toucher, pigé, marchandisage de gymnase, aux leçons à profusion de BDSM prodiguées en public, en privé, en ligne, si tu signes, la performeuse féministe, militantisme sex-positive, certes, se diversifia, traversa d’innombrables bandes, pas toutes, sans doute, intéressantes, renversantes, avec une aisance, une prestance, une élégance et une vaillance forçant le respect envers le travail bien fait, l’investissement à chaque instant. Sur ses sets en sueur, précise et professionnelle, en cela, pas seulement, très américaine, Nina Hartley sut s’exprimer, se dépenser, au-delà, de dialoguer, d’argumenter, elle n’hésita, ne refusa. Les cinéphiles disons mainstream se souviennent en sus de sa surprenante composition d’infidèle épouse épisodique à l’occasion de l’empathique et nostalgique Boogie Nights (1997) de Paul Thomas Anderson. L’essentiel de son idiosyncrasie cependant demeure irréductible à ce résumé de CV, de la dear Nina l’énigme de façon différente se devine et se mérite. Sa filmographie paraphe un sidérant stakhanovisme doté de didactisme au fil des décennies et les titres souvent humoristiques, réflexifs, défient l’endurance de la pourtant bien disposée rétine. Débutante sous l’égide d’une seconde dame, croisée au supermarché, fantaisie de la fatalité (Educating Nina, Juliet Anderson, 1984), Nina des momies ranima (Mummy Dearest, Duck Dumont, 1990), une doublure d’Endora endossa (Not Bewitched XXX, Will Ryder, 2008), un clone de Hillary Clinton incarna (Who’s Nailin’ Paylin?, Jerome Tanner, 2008), assuma sa bisexualité au sein du saphisme filmé, zeste d’inceste, pratiqua itou l’US interracialité taboue, le colossal Lexington Steele, aussi spécialiste d’économie, aussitôt séduit, se le remémore encore.


Quant au récent tandem (ecclésiastique) en compagnie au lit de Magdalene (St. Michaels), il transcende une imagerie trop rarement originale et s’apprécie en petit précis de gérontologie en même temps troublant et poignant (Confessions of a Sinful Nun Volume 2: The Rise of Sister Mona, Ricky Greenwood, 2019). Du communisme et du bouddhisme de ses parents, elle déduisit à l’évidence son sens de l’exclusion, de la compassion. Renommée, récompensée, parfois parodique, jamais parodiée, sur tout ceci elle revenait avec sincérité, simplicité, lucidité, durant un serein entretien en VO non sous-titrée voici sept ans diffusé. Face à un interlocuteur conquis, elle animait de multiples morceaux de son passé, elle retraçait en soixante-quinze minutes délestées de tumulte, de turlute, son parcours au long cours, placé sous le sceau guère sado-maso d’une liberté revendiquée, pas de dispensable (speed) dating, please, pas de psychologie, de monogamie, non merci, situé sous le signe d’une division entre les sens et les sentiments, la chair et le cher, l’activité rémunérée, l’intimité sauvegardée. Ni modèle ni victime, ni cynique ni prosélyte, Nina Hartley sait conserver l’aura de sa persona, l’intrépidité de sa personnalité. Ne peut-on par conséquent rien lui reprocher, se contenter de dresser (à la cravache, ma chère) son pasteurisé portrait ? Répondons par une précision : tout ce que j’écris à propos de la pornographie ne se soucie de servir la soupe à une production plébiscitée, méprisée, trique hypocrite, ne se préoccupe d’exciter ou d’écœurer le lecteur, la lectrice, vise davantage à débusquer la mélancolie pas si cachée, à peine dissimulée sous le déterminisme de l’onanisme, l’étonnante tristesse intrinsèque, d’un empire à proximité du pire, même s’il existe mille fois pire, pensez aux EHPAD, aux soins palliatifs, qui prédisent notre ruine, a priori comparé à l’obscénité d’impunité de nos destinées, de nos sociétés, désormais démoralisées, démobilisées, distanciées, policées, prenez garde à ne pas vous faire contrôler par les policiers, contaminer par vos proches et des étrangers, pas vrai ?


Les images en général mineures, supposées réservées aux majeurs, possèdent leur propre part d’ombre, la responsabilité leur en incombe, par exemple de dépression à domicile, de divertissement de nivellement, de saturation de soumission, néanmoins associée à des parcelles de beauté, de complicité, de partage de facto équilibré, des armures et des masques les automates humanisés, rédimés, in fine, ouf, débarrassés. Cette dialectique guère lubrique, plutôt problématique, Nina ne l’aborde pas, pourquoi pas, de lui en vouloir on évitera, puisque à la suite de Brigitte, Céline, Elexis (Monroe), de votre serviteur peu voyeur, quoique, précédentes esquisses, elle reste synonyme de jouissance, de persévérance, de confiance, d’intelligence, de force et de métamorphose, à l’écart créateur, non plus destructeur, d’une deuxième Nina, celle, zulawskienne (L’Amour braque, 1985), milleresque (La Petite Lili, 2003), amoureuse, amiséricordieuse, morose, de La Mouette d’Anton Tchekhov. Thanks + spassiba, cara Nina !         

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