Souris puisque c’est grave

 

Cinq sorties récentes, assez intéressantes…

Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or.

Baudelaire

Face au confinement, au conformisme, à la déconfiture, voici donc des chansons, d’évasion, de liaison, de cohésion, d’horizon. Chacune et chacun ici et ainsi s’ingénie à jouer à l’ingénierie, à utiliser la technologie, à rebondir urbi et orbi. Un appel à l’aide ? Un rappel de l’entraide, permise par l’ubiquité, l’instantanéité, la disponibilité de la modernité. Si la pandémie sévit, la musique survit, la Terre ne s’arrête de tourner, les sons de se diffuser. On rend hommage, davantage que l’on ressasse, au creux vaseux de la jolie nostalgie, nul ne se réfugie, puisque revisite, à son rythme, des répertoires à l’écart du désespoir. Tu te languis, transi(e), d’une inaccessible éclaircie, par exemple celle, bien belle, de Marc Seberg ? Sache qu’elle existe et persiste en toi, oui-da, déjà là, tu ne t’en doutais pas, tel « l’invincible été » du sudiste Camus, jadis adapté par la Canadienne k.d. lang. Aussi va vite découvrir, mon ange, le vade-mecum de ta Vie étrange, saluer le Sunset in the Blue de ta saison infernale et floue. Fi du twist des sixties au sein de cet univers vénère, Twisted, indeed ; ne cherche ta bouteille de Chanel numérotée, adoube un Album No. 8 placé sous le sceau de l’infinité, fi de Fellini à demi. Comme Demy endiablé à Rochefort, après de Cherbourg la pluie et la mort, d’un amour, des toujours, refais fissa ta déco à l’unisson du Disco, de sa mélancolie dynamique, chic. Orchestre ou clavier, soie ou quant-à-soi, noirceur ou chaleur, rien de tiède, point de remède, à moins de pratiquer l’écoute casquée afin de guérir de l’ennui, de la vie, vive la musicothérapie. L’élégant Alain Chamfort, ni haut ni fort, le disait avec justesse, délicatesse, la tristesse mérite un sourire, sinon un rictus, il faut apprendre à prendre le jeu au sérieux, désirer mieux, que la mode et la morgue des anonymes malheureux, des victimes ivres de leur déprime, des experts du je vais tout t’expliquer, laisse-moi faire.

Les présidents s’expriment, les policiers tabassent, parfois eux-mêmes tabassés, les artistes, traversant, traversés, continuent à créer, ton serviteur, quant à lui, très déconfiné, guère déconfit, ne se tait, ne renonce à célébrer, à se refléter en toute fidélité, sincérité, doté de sa sienne musicalité. Dominique, Melody, Marina, Katie, Kylie, ne délivrent des disques ni essentiels ni superficiels, mais des items épurés, espiègles, sexy, exquis, dramatiques, lyriques, des présents plaisants pour un présent désolant. Homework à la Daft Punk ou presque, le corpus acoustique, ponctué de quelques clips, ressemble à un carnet de route ou de croquis, à une kyrielle de fraternelles et sensorielles photographies, à une promesse de tendresse, peut-être de liesse. Peu importent en plus les étiquettes suspectes, les nationalités désuètes, catalogage de marchandisage, clivage d’un autre âge : chanson française, jazz américain, un brin brésilien, pop ou folk anglophones, d’une Frenchy, de Géorgie ou d’Australie, on se fiche de la répartition à la con, on écoute, on ne redoute, on admire, on minore, on ne perd pas le nord, surtout en compagnie de la survivante et glorieuse Gloria Gaynor, ou d’Audrey diamantée, magnifiée, forte et fragile, par Edwards & Mancini, oh oui. Les femmes fréquentables, les hommes aimables, les CD recommandables, les titres dématérialisés, les histoires à inventer, à réinventer, savent au voyage nous inviter, à résister nous inciter. Alors, lorsque tu te retourneras sur tes pas, sur ce monde malade et las, d’elles et d’eux tu te souviendras, d’une sorte d’Orphée nantais, escorté, voire sauvé, par quatre Eurydice complices, à la stimulante malice, sirènes d’émancipation et non d’émasculation. La musique adoucirait les mœurs ? En partie vérité, en partie erreur, car elle nous intime à l’intérieur et nous exile à l’extérieur. Ris, pleure, respire, en c(h)œur !