The Seasoning House : Casualties of War
Écarlate kyrielle d’esclaves sexuelles pas à la truelle…
Cette Cosette sourde et muette, de bien
cruel bordel, dans des Balkans à feu et à sang, se voit vite rebaptisée d’un
« Angel » infernal, par son sadien proxénète sentimental. Comme le
Klaus Kinski very nazi de Crawlspace
(David Schmoeller, 1986), elle se déplace derrière les cloisons et assiste aux
exactions, désormais sans délectation. Sorte de souris à rat sympa, la voilà,
telle jadis la délocalisée Anna de Carlos Saura (Ana y los lobos, 1973),
au milieu d’une meute de loups, quel bestiaire de fous. Disons-le
d’emblée : The Seasoning House (Paul Hyett, 2012) ne s’apparente pas
exactement à un divertissement, pas même celui, lesté d’un sadisme scolaire,
stérile, insipide, du torture porn à
la gomme. Premier essai du réalisateur de Howl (2015), (re)lis-moi ou pas, il
séduit en raison de sa radicalité, de sa dimension d’effroyable conte de fées
défait, pardon du pléonasme. Ange exterminateur encore doté d’un cœur, capable
de communiquer avec puis venger une consœur de malheur, l’héroïne orpheline, anonyme, rappelle le
Petit Chaperon rouge, se couche, se bouge, échoue in extremis sur le seuil d’une maison non point en pain d’épices,
Hansel & Gretel le regrettent, mais néanmoins malsaine, remplie d’ironie,
de malice, puisque celle du médecin complice. Auparavant, elle sème son
principal poursuivant, coincé au sein d’un conduit idoine, d’usine spectrale, le
rend muet, endeuillé, because petit
frère décédé, embrassé, à présent promis à un trépas à la Poe, manque de pot.
Film d’offenses et de souffrances féminines à vous faire presque virer
féministe, écrit par trois scénaristes mâles d’après une « idée
originale » de la méconnue Helen Solomon, bon, The Seasoning House anticipe
les rapports de genres ensuite retravaillés selon Howl, leur confère une
atmosphère de cauchemar, de désespoir.
Si la silencieuse et solide Rosie Day
assure, bien escortée, ou davantage tourmentée, par des soldats sauvages, des
acteurs dignes d’hommages, mention spéciale au colossal Ryan Oliva, violeur/tueur de
froide fureur, victime guère magnanime, si Dominique Provost-Chalkley, martyre
parmi le pire, impossible de fuir, hors du mourir, émeut, ce survival made in London, multiprimé, s’apprécie aussi parce qu’il sait
manier le nuancé, s’autoriser un soupçon d’humour à nouveau animalier, cf. le catfight de la fuyarde et de l’épouse
secourable, redoutable, du tortionnaire précité, conclu à coup démultiplié de mignonnets,
en céramique, cochonnets. À l’exception du moment discrètement amusant, The
Seasoning House ne verse jamais vers le cynisme du second degré, prend
au sérieux son sujet. Dès le plan-séquence de l’incipit léthargique, assez virtuose, déjà morose, on devine l’ouvrage
de valeur, ponctué de stimulantes horreurs, témoignant de la maîtrise de l’ex-maquilleur. Ni racoleur ni moralisateur, The
Seasoning House s’avère en définitive un opus prometteur, un mélodrame martial à la tendresse létale, une
démonstration toujours de saison que ce cinéma-là, classé horrifique, en
horrifiant plus d’un et d’une, dommage, carbure en réalité au cathartique, au
pathétique, peu au pathos, au tragique et, ici, un brin à l’historique.
Toutefois, il s’agit à chaque seconde, jusqu’au creux de l’immonde, d’une
fiction, c’est-à-dire d’un art de la représentation, de l’imitation, de la
transposition, de la sublimation. Sur les charniers constatés, recensés,
fleurissent la faute et la faillite, humaines, européennes ; sur
l’imagerie de l’infamie fleurit in fine
un film modeste, sincère, intéressant et résistant. Certes sans rivaliser un
instant avec l’éprouvant Outrages (Brian De Palma, 1989),
voici, ainsi, un estimable et réussi souci, oui.
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