Opération Lady Marlène

 

Un métrage, une image : Julie pot de colle (1977)

Un meurtre au Maroc, une fausse coupable, un homme ordinaire devant vivre une (més)aventure extraordinaire : Carrière, caméo en conseiller, adapte donc un bouquin méconnu, au titre explicite, Chains of Pity, oh oui, comme d’autres revisiteraient Hitchcock, surtout celui de L’Homme qui en savait trop (1956), une décisive bande magnétique substituée au dénouement dramatique, en musique, utilisation du son à l’unisson. Mais le divertissement sentimental, presque à l’américaine, s’avère assez vite une (recon)quête existentielle, au cours de laquelle la délicieuse emmerdeuse se révèle, en définitive, un vraie sauveuse. « Le temps nous salit » affirme Julie au milieu de ses frites, d’un Paris pourri, elle se tricote un nouveau mari, lui détricote sa vie, mec « récupérable », complice défendable, prisonnier à l’insu de son plein gré. La liberté, il va falloir la payer au prix fort, au prix d’un petit effort, se foutre du poste de fondé de pouvoir d’une banque of course obnubilée par le fric, se défaire d’une fiancée chic et anecdotique, en sus la sœur du directeur, quel malheur, obsédée par l’analyse, sinon l’onanisme, quatre ans avant Psy (1981), pardi. « L’innocence », il va falloir « s’y habituer », en effet, aphorisme in extremis, de plage orientale retrouvée, de cerf-volant hissé, de chien adopté, de couple plus en déroute. De Broca, ne l’oublions pas, filma et fit l’Algérie, ensuite décida, réaction d’occasion, stratégie de survie, de se consacrer à la comédie, comme Kieślowski, documentariste tout sauf voyeuriste, préféra in fine les fausses larmes du cinéma. Néanmoins demeure parmi sa filmographie, même en sourdine, une mélancolie intime, cf. les items historiques (Cartouche, 1962), exotiques (L’Homme de Rio, 1964, Les Tribulations d’un Chinois en Chine, 1965) ou réflexifs (Le Magnifique, 1973), dotés de l’alter ego Belmondo. Le cinéaste sous-estimé riait pour ne pas pleurer, cherchait à réenchanter le réel, à le délester de sa gravité, disons en tandem avec Demy, Delerue inclus. Dans Julie pot de colle, une femme mal mariée rédime un type surmené ; au périlleux projet immobilier, capitaliste et colonial, succèdent le dessin, le dessein, le subliminal sein, d’un destin, désormais situé sous le signe de la tendresse, carburant évident du diptyque à succès Tendre Poulet (1978) + On a volé la cuisse de Jupiter (1980). Si ce métrage d’un autre âge, au féminisme magnanime, à la masculinité tourmenteuse et tourmentée, à la vengeance de délivrance, souffre d’une forme téléfilmée, malgré les contributions du chef décorateur François de Lamothe (Le Samouraï, Melville, 1967), du dirlo photo René Mathelin (Max et les Ferrailleurs, Sautet, 1971), il ne possède pas une once de cynisme, la chère Marlène Jobert charme, émeut, Brialy y séduit, Farlot/Figaro tel l’anti-héros falot de folle journée, un peu particulière en écho à Scola (1977), allez, d’un conte des Mille et Une Nuits selon Julie…         

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir