La Corde raide

 

Un métrage, une image : Mister Radio (1924)

On se rappelle Leni Riefenstahl, spécialiste alpestre du mélodrame d’escalade, (re)matez La Lumière bleue (1932), jeunes ou vieux. On découvre aujourd’hui Luciano Albertini, acteur acrobate à côté duquel Jean-Paul Belmondo paraît presque ramollo. « La montagne, ça vous gagne » assurait un slogan d’antan ; « Monfort, mon faible » répondait une publicité : Mister Radio (Nunzio Malasomma) entrecroise cela, commence comme en vacances, s’achève sur une providentielle vengeance. Le garçon et Gaston en question, sorte de souple sauvageon, d’inventeur sauveur, voudrait bien démontrer, à la ferroviaire assemblée, la pertinence de son système, grâce aux émissions d’ondes, plus de collisions, quel monde. Mais, mis au défi, il lui manque du fric, une ex-danseuse, reconvertie en « dame de compagnie », dont il préserva la vie, lui renvoie l’ascenseur, intercède en sa faveur, prête à se compromettre, un peu à se prostituer, la passion éprouve, de Breaking the Waves (Lars von Trier, 1996), l’héroïne opine. « L’ermite » altruiste, en sus fiston d’innocent guillotiné, survivant inconscient, vivant sous le même toit que sa maman, grand enfant de « comtesse » tendresse, s’éprend aussi(tôt) de la fifille du vil banquier, pléonasme, responsable du trépas de son papa, vous suivez ? Donc le drame bourgeois s’aère, la saloperie du père s’exerce en plein air, illico au creux de son bureau, percutant POV en regard caméra, raccord dans l’axe pas dégueulasse, sur la mimi Marion terrifiée par le coup de feu, le sort de son amoureux nerveux. Si l’opus en cinq « actes » divisé, désormais ressuscité, restauré, en 4K numérisé, mérite son exhumation, il le doit à sa modestie, son énergie, son moralisme mâtiné d’anticapitalisme. Albertini saute et séduit, se fait enfumer, à un poteau attacher, parvient néanmoins, dénouement, des deux mains, du film, risible et sublime, à déraciner l’objet, à protéger sa génitrice, qui lui conseille de se caser avec l’ange gardien précité, c’est-à-dire Anna Gorilowa, coiffée comme Lotte Lenya. L’item allemand, à moitié italien, se tient plutôt bien, ne vaut pas rien, divertit en vitesse, impersonnel et cependant soigné, spectaculaire et sincère, doté d’une désarmante humilité, dénué de second degré. Le/la cinéphile féministe y verra, de surcroît, une envie de viol évitée, car la courtisée à main armée, du suspense suspendu, longtemps avant l’ouverture quasi à l’identique de Vertical Limit (Martin Campbell, 2000), un funiculaire moins parisien que le métro aérien de Peur sur la ville (Henri Verneuil, 1975), deux trains en clin d’œil à Keaton, une chasse à l’homme pas à la gomme, l’ensemble assorti de moult fermetures à l’iris, du jazz assez dispensable de Bernd Thewes…       

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