I Feel Good

 

Un métrage, une image : Si on chantait (2021)

Programmatique comme le film pornographique, le feel good movie entend, mot éloquent, faire du bien, faire se sentir bien, ce que confirme l’affiche de Si on chantait (Fabrice Maruca), imitée d’une célèbre pochette d’album des Beatles, surplombée d’une citation de RTL, voici de quoi rendre « heureux », rendre la vie plus belle, amitiés pseudo-marseillaises, amen. Toutefois ce téléfilm inoffensif, poussif, pasteurisé, résumé presque en intégralité selon sa bande-annonce, digne d’être diffusé à la TV un soir d’hiver ou davantage d’été, disons sur TF1 ou M6, sa co-productrice/distributrice, démontre l’unisson du social et du musical, la solitude du mélodrame derrière la comédie d’amis, le double deuil de l’usine, de l’intime. Franck, orphelin de sa mère, peu épaulé par son père, amoureux malheureux depuis l’enfance, pas de chance, fils putatif de Jacques Demy, désire en-chanter les vies, réenchanter le réel, suspendre un instant chantant, amusant ou touchant, la nasse de la tristesse, nordiste ou non. À l’instar de Sophie & José, eux-mêmes licenciés tourmentés, il va verser des larmes avant l’acmé au stade de football, arrêt sur image d’hommage. « Je veux être utile à vivre et à chanter » déclarait naguère Julien Clerc : Si on chantait se base ainsi sur la ludicité, la solidarité, la dimension salutaire de la chanson populaire. Ni The Full Monty (Cattaneo, 1997) ni 8 femmes (Ozon, 2002), il fait fissa resurgir le souvenir de l’éloge morose des chansonnettes suspectes de La Femme d’à côté (Truffaut, 1981), de l’exégèse balèze du Like a Virgin de Madonna dans Reservoir Dogs (Tarantino, 1992), du commentaire docte et drolatique des lyrics de Whitney Houston & Phil Collins, merci au mélomane Patrick Bateman (American Psycho). Banana Split ou pas, on y redécouvre Eurydice, on y réécoute encore la voix des morts, en famille ou familiers. Jérémy Lopez se redresse sous le souffle de la disparue revenue, cassette incluse, revisiter la détresse majestueuse de Joe Dassin, Alice Pol mérite un prix d’interprétation, sens duel, pour rendre émouvant un titre bruyant et barbant de Lara Fabian, Artus pleure en même temps que sa maman et Clovis Cornillac incarne un cadre désenchanté en mode Chute libre (Schumacher, 1993), à la rage ravalée, aux larmes sublimées. Conte de coopération, de coopérative, d’initiation, d’initiative, d’émancipation professionnelle et personnelle, Si on chantait s’apparente certes à une sorte d’épisode délocalisé de Camping Paradis, se pose et se repose en remontant rassurant, mais son sentimentalisme assumé, baume de douleurs à demi dissimulées, s’avère au final préférable au snobisme et au cynisme de notre nouvelle normalité à dégueuler, à tous les sons couper…

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