Le Chasseur

 

Un métrage, une image : L’Air de rien (2012)

Road movie immobile, d’avortée amitié masculine, L’Air de rien (Grégory Magne & Stéphane Viard) anticipe le diptyque L’Enlèvement de Michel Houellebecq + Thalasso (Guillaume Nicloux, 2014 et 2019) : Michel Delpech y interprète (plusieurs succès) « Michel Delpech », ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Il s’agit ainsi d’une vraie-fausse biographie, d’une authentique fiction, à base de filiation, sinon de résurrection, de rédemption. L’acteur discret, en retrait, incarne sur le tard l’assez vain avatar, un brin égrillard, d’un univers alternatif, a fortiori dépressif, où les dettes se substituent aux conquêtes, où s’alcooliser en compagnie de Miossec et d’une journaliste joyeuse, vive la « tournante » malaisante, où la Spitfire ne triomphe, ne fait un malheur, où la fanatique Véronique déchante durant la dédicace, les prénoms et les souvenirs s’effacent, le temps passe, les dépasse, les trépasse, hélas. En pleine Auvergne, au rancart rural, notre idole accepte aussi sec la proposition-collaboration d’un huissier, in extremis radié en raison de sa générosité, illustration supplémentaire de bonnes intentions (dé)placées en pavés de l’enfer. Grégory (Morel/Montel) se fait un film à l’image du personnage homonyme du bouquin malin de Bioy Casares, il s’imagine opérer un financier sauvetage, à son papounet lui-même du métier, admirateur et collectionneur du Michel précité, rendre un posthume hommage, toutefois l’illusion se dissout face aux désillusions, à la déontologie pas jolie jolie de l’associé tendance balance. L’Air de rien, on le voit bien, adoube un double échec, celui d’un fils en train d’exercer, par « atavisme » masochiste, une activité détestée, celui d’un chanteur jadis et aujourd’hui applaudi, cependant réduit à se produire parmi une province française elle-même en faillite, qui périclite. Delpech dédoublé dev(r)ait redouter le destin d’Orphée, savoir, prévoir, que personne, adulé ou anonyme, ne saurait ranimer son passé, à peine le (dis)simuler, l’instant d’un chant. Co-écrit par un second  tandem et Thomas Bidegain, fidèle d’Audiard, en sus au service du transparent Stillwater (Tom McCarthy, 2021), L’Air de rien se voudrait bien un métrage mélancolique et tragi-comique, dans la lignée de Tandem (Patrice Leconte, 1987), justement. Il se résume en réalité à un insipide téléfilm au spleen en sourdine, jamais cruel comme la « comédie à l’italienne », aux caractères doux-amers peu développés, à l’humilité à proximité de l’inanité. Fiancé à une dentiste, pêcheur entre types, chauffeur d’un charmeur porté sur le pressing et le pantin de Noël communiste, l’altruiste orphelin s’en sort néanmoins, sourit au soleil, vivant, au volant, sur sa (dé)route d’affranchi…

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