Les Raisins de la mort

 

Un métrage, une image : La Confrérie des larmes (2013)

Conte de capitalisme vinicole ignoble, La Confrérie des larmes (Jean-Baptiste Andrea) ressemble hélas davantage à un téléfilm cacochyme, adapté du graphomane Jean-Christophe Grangé (Les Rivières pourpres), qu’à une transposition pirate du grand œuvre de Theodore Roszak (La Conspiration des ténèbres). Gabriel Chevalier, remarquez le nom et le prénom très connotés, camé aux cartes, ex-flic et à présent père pathétique, accepte fissa une offre à ne refuser, afin de ses finances renflouer, de troquer les « raviolis en boîte » contre une bonne grosse bagnole. Endetté rencardé par un ancien indic censé crever vite, le voici désormais rasé, cheveux coupés, panoplie endeuillée, à parcourir la Terre d’express manière, en jet privé, en parfait petit VRP, muni de mallettes suspectes. « Rien d’illégal », affirme le commanditaire invisible, au bout du fil, toutefois de quoi occire un mec, couper une main, se créer un destin. Que contient le contenant ? De la mélancolie, au sens littéral, médical, du terme, car la bouteille transparente et interdite abrite une eau noire de désespoir : « l’entrepreneur » de malheur, animé d’un pragmatisme mâtiné de cynisme, quoi donc offrir aux riches, à ceux qui possèdent déjà tout, sinon la vie (et la vigne) d’autrui, pratique ainsi une œnologie pas jolie jolie, dont le raisin malsain, supposé succulent, doté de l’essence du (mort) vivant, s’enracine sur une terre en effet aux faux airs de « cimetière ». Le thriller à moitié touristique s’avère en résumé la démonstration de saison d’un moralisme marxiste, d’un vampirisme par procuration, où les disparitions de prolétaires, de femmes, de mères, enceinte la dernière, promesse d’un millésime sublime, in fine transformés en élixir du pire, rappellent le recyclage d’outrage de l’usine Auschwitz. Décanté, mis aux enchères à destination de milliardaires, le matériau humain se vend bien, son ivresse à vomir surpasse celle de la sueur du travailleur. Flanqué d’une fliquette rouquine, décisive, placardisée aux archives, comme sa fifille, elle porte des strings, fichtre, notre anti-héros guère rigolo sème la zizanie au milieu des dingos, immole le mariole, doit sa survie à l’intervention d’un deus ex machina familier, commissaire à cravate et demi-frérot rappliqué illico. Faux Parfum (Tom Tykwer, 2006), vrai navet, La Confrérie des larmes nous trimbale en Chine, à Bruges, à Istanbul sous la neige, nous mène en bateau, sous-utilise Audrey Fleurot, sa maison de déraison remémore la villa virtuose de La Mort aux trousses (Alfred Hitchcock, 1959). Ni Romero ni Rollin, le co-réalisateur du modeste Dead End (2003) dérape et fait passer à la trappe sa fable a priori affable, délivre un cru délesté de crudité, de densité, robe à oublier…           

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