Folies de femmes

 

Un métrage, une image : Forfaiture (1937)

De l’hommage à l’outrage, peu d’espace, les vandales le savent, L’Herbier dut s’en douter, ne sut résister à la tentation de remaker l’ouvrage révéré, à l’origine de sa vocation. Mais l’exotisme et l’érotisme du co-scénariste Hector Turnbull, d’ailleurs producteur non crédité de Cœurs brûlés (Sternberg, 1930), le sado-masochisme à la mode DeMille (Forfaiture, 1915), apparaissaient auparavant, dès L’Argent (1928), d’après Zola, oui-da. Vingt-deux ans plus tard, pas de hasard, voici le temps du cinéma dit parlant, dépaysant, car colonial, voire colonialiste, au racisme assumé, même déminé. Escorté de l’exilé Companéez (Casque d’or, Jacques Becker, 1952), du cinéphile Auriol, d’un futur fidèle d’Ophuls, nommons donc Natanson (La Ronde, 1950, Le Plaisir, 1951, Lola Montès, 1955) ; assisté des fidèles Ève Francis & André Cerf ; flanqué de l’éclairé Schüfftan (Drôle de drame, Carné, 1937) ; financé par le cinéphile, bis, Braunberger, producteur majeur du ciné français, durant plus de cinq décennies, eh oui, l’auteur des estimables L’Homme du large (1920), El Dorado (1921), L’Inhumaine (1924), La Nuit fantastique (1942) modifie le modèle, exclue l’expérimental, magnifie la juvénile Lise Delamare, issue de la scène, revue via Les Grandes Manœuvres (Clair, 1955), Lola Montès ou Le Capitan (Hunebelle, 1960), recycle Sessue Hayakawa (Le Pont de la rivière Kwaï, Lean, 1957), habille et maquille à l’orientale la svelte Sylvia Bataille (Partie de campagne, Renoir, 1936), fait joujou avec Gridoux (Pépé le Moko, 1937), grimé en Mongole mariole, Francen & Jouvet, tandem amène. Petit portrait d’une petite bourgeoise, de son entourage, dont mari meurtri, victime et accusé de sabotage, (in)soumise à un sexuel chantage, marquée d’un indélébile tatouage, (sur)prise entre martingale addictive et comptabilité caritative, (sur)prise entre les tirs croisés d’indociles caravaniers, de sa propre culpabilité, Forfaiture ne s’affirme en forfait, même si l’aimable Marcel pouvait déclarer forfait. Il s’agit, en résumé, en version restaurée, numérisée, d’un divertissement d’antan, aux bons et aux méchants point passionnants, un peu paresseux, sinon incestueux, « ma petite fille », indeed, au pistolet de procès, à la parole d’épaule, au clip fatidique. Comme on ne prête qu’aux riches, a fortiori friands de philanthropie, de route en déroute, tout rentre in extremis dans l’ordre, confiance de l’acquitté, soulagement de la tueuse, échec de l’émule de Machiavel. Plutôt qu’à Pickpocket (Bresson, 1959), on songe à La Mort aux trousses (Hitchcock, 1959), autre trio touristique, à faux coupable, amour véritable, aux démultipliées plongées des personnages auprès. Moralité de l’item très daté : le jeu rend malheureux, le prince en pince, Occident survivant…

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