Le Dossier Mona Lina : La Gueule de l’autre
Hezbollah mon amour, mais rien tu ne vis en Germanie…
La bande-annonce l’énonçait, le
visionnage le vérifie : Le Dossier Mona Lina (2017) s’avère
un ratage risible, incompréhensible, surtout de la part de l’auteur de
réussites intitulées La Fiancée syrienne (2004) et Mon
fils (2014), (re)lisez-moi ou pas. Le sexagénaire Eran Riklis doit donc
désormais souffrir de sénilité précoce pour accoucher d’une telle ineptie
insipide, à base de maternité partagée, de planque pathétique, d’altérité
rencontrée-dépassée, de complot au carré. Durant une heure et demie minable,
interminable, le spectateur médusé assiste ainsi à un huis clos falot, d’abri
débusqué, cf. le titre anglais, éclairé par la grisaille et alourdi par
l’esprit de sérieux d’un certain auteurisme européen. Cette petite chose
médiocre, transparente, inexistante, fait penser aux foutaises de Netflix ou
aux téléfilms en effet dramatiques, sens ironique, du vendredi soir sur ARTE, ici
co-productrice, bientôt sans doute diffuseuse. Comme il ne dispose pas de grand-chose,
en termes de récit, d’intensité, de pertinence, de lucidité, moins encore
d’ambition, esthétique/politique, le cinéaste-scénariste lobotomisé cite
Gibran, chope Chopin, enrôle Romy Schneider pendant un extrait de La
Passante du Sans-Souci (Jacques Rouffio, 1982), déjà mélodrame maternel
et mémoriel, amen, verni culturel à la
truelle, cache-misère d’une trame fantomatique, qui indiffère. Si les bandages
de la presque otage peuvent rappeler leurs homologues de La piel que habito (Pedro
Almodóvar, 2011), les prénoms du tandem
d’héroïnes renvoient vers le doublé d’opus
précité. Une scène de baignoire médicamenteuse, admirative, une seconde de
baiser alcoolisé, de souvenir rapproché, émoustilleront peut-être les amateurs
de lesbianisme chic, pudique, implicite.
Sinon, tout tourne autour d’une
exfiltration de saison, d’un trauma d’attentat,
de deux vrais-faux décès mis en scène, celui de la mère, celui du fils, d’une
vengeance par procuration, voire par manipulation, et d’une nouvelle vie, je te
remercie, à distance, en stéréo. L’émissaire du Mossad endure son diabète, la
paranoïa se déploie, la dame de compagnie discute depuis une cabine
téléphonique, aucun espion ne travaille que pour le fric, dixit Naomi, l’immeuble appartenait autrefois à une propriétaire
juive cachée, probablement déportée, possiblement spoliée, une vieillarde pleure
son invisible clébard, Lina la câline, les USA font preuve de diplomatie
sélective, sus à l’État islamique, on repense à des retours en arrière
solaires, on s’amuse entre filles tristes munies de perruques blondes, ah bon,
on fait son lit au carré, héritage d’armée, on cuisine épicé, habitude
d’ascendance, on fantasme au sujet du Canada, on philosophe à propos du poker (menteur, forcément) de Dieu,
salut au Pascal du pari, on croise un Kurde à Cologne, on met à mort le mec en uniforme, némésis jadis
complice. Enfin enceinte, cellulaire en fonctionnement, la survivante
dessillée, baby-sitter guère amère,
observe la mer, se remémore en silence l’union sacrée, placée sous le signe
d’une féminité tourmentée, traquée, in
extremis victorieuse, tournée vers l’avenir. Libre au sieur Riklis de
croire qu’il vient de revisiter Persona (Ingmar Bergman, 1966), de
conforter l’œcuménisme mondialisé via
une croix de bon aloi. En vérité je vous le dis, cinéphiles davantage que
disciples, ce chemin de croix tu évacueras, tu ne t’emmerderas pas avec cela, à
nouveau tu découvriras la véracité de l’aphorisme du Festin nu (David
Cronenberg, 1991), autre conte mental de masques et de réminiscences, de
dédoublements et de renaissances : tous les agents trahissent, a fortiori ceux du ciné, tant pis pour
l’intéressé, ses actrices desservies, Neta Riskin & Golshifteh Farahani, tant
pis pour moi et pour le cinéma.
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