Prom Night : Staying Alive
Mécanique du meurtre, chorégraphie contre la folie…
Satisfaction came in a chain reaction
I couldn’t get enough
So I had to self-destruct
Prom Night (1980) commence par un reflet, mais
avec ou sans votre permission, je me dispense de dupliquer/inverser ce que
j’écrivis hier, remember Humongous
(1982). Je le pourrais cependant, tant Paul Lynch paraît se répéter par avance,
au passé. Encore un traumatisme mortel, une scission temporelle, un slasher avec plein de vrais-faux
adolescents dedans, une mère maudite, des fessiers exposés, une poitrine
pudique, Jamie Lee Curtis osera le topless
irréprochable à l’occasion de Un fauteuil pour deux (John Landis,
1983). Cette fois-ci, exit le
cannibalisme insulaire relookant celui de Anthropophagous (Joe D’Amato, 1980),
bienvenue au parasitisme sincère de Carrie au bal du diable (Brian De
Palma, 1976), La Fièvre du samedi soir (John Badham, 1977), La
Nuit des masques (John Carpenter, 1978), sans oublier le présagé Souviens-toi…
l’été dernier (Jim Gillespie, 1997). Ici, en dépit d’un gyrophare plus
tard retrouvé chez les ZAZ, Leslie Nielsen à peine sourit, père endeuillé,
proviseur de soirée, sur du disco falot trémoussé. Eddie Benton, aka Anne-Marie Martin, sous peu victime
minière des Boogens (James L. Conway, 1981), reprend par conséquent la
panoplie de salope portée par la précieuse Nancy Allen, tandis que Robert A. Silverman, mémorable malade mutant
de Chromosome 3 (David Cronenberg, 1979), joue les jardiniers pas si suspects, presque
attardés. Critiqué par la critique, applaudi par le public, le film vite
tourné, vite rentabilisé, connut aussi un remake
inepte, commis par le méconnu Nelson McCormick en 2008, enduré en DVD. Au
prologue pédophobe plutôt prometteur répond la coda sympa, en forme de pietà,
Kim/Jamie, secouée de larmes muettes, désormais définitivement orpheline, son
frère frisé, guère amnésique, blessé par ses soins, en train de décéder,
démasqué, sur le seuil du létal lycée.
La vengeance se mange glacée, six ans
après, à coup de miroir brisé, d’égorgées, de van éventré sur les rochers, explosé, de flic préoccupé, incapable,
trompé, parti, discrète ironie du récit, de hache malchanceuse, de décapitation
causant la carapate. Robert New (Starforce, William Mesa, 1995,
salutations à Brigitte Nielsen, rédemptrice homonyme, lisez-moi ou pas à propos
de Cobra,
George Pan Cosmatos, 1986), éclaire l’ensemble, ouaté, avec doigté. L’ouvrage
se visionne en VO non sous-titrée, en HD, via
le montage distribué en salle + un director’s
cut apocryphe, improvisé, délesté de l’intrigue d’asile, assorti de
davantage de psychologie, de gémellité, de possibles culpabilités, d’une
secrétaire supplémentaire, amatrice de désordre et de banane, bon. Que
reste-t-il de Prom Night en 2019, disons quatre décennies à la suite de sa
sortie ? Répondons : de l’ennui et des instants, sinon des instincts,
de survie. Lynch réussit son introduction et sa conclusion, il délivre une
scène de danse assez euphorisante, bien servie par une habile dolly et un couple ad hoc. Ce moment majeur, en mineur, d’un titre anecdotique,
toujours soigné, jamais cynique, in extremis mélodramatique, fondations en
filigrane des bâtisses horrifiques, cristallise la rivalité de vaudeville et incarne
la moralité du métrage : au cinéma, au-delà, tant que tu demeures en
mouvement, que tu te ressens acteur, avec tout ton cœur, ta sueur, tu respires,
tu dépasses le pire, Papa Nielsen parle à juste titre, au psy de service, de la
« résilience » de sa grande enfant. Figés dans leur jalouse
immobilité, leur statut de spectateurs mutiques, machiavéliques, Wendy &
Lou se condamnent eux-mêmes, méconnaisseurs de l’impératif nietzschéen de
danser sa vie, oh oui.
Cette nécessité supplante les autres
décisions existentielles, notamment celles de la chasteté, de la sexualité,
puisque la virginité, conservée, perdue, ne vous sauve plus. Au final, le tueur
maquillé essayait de ressusciter, par lipstick
interposé, sa sister supérieure,
harcelée, défenestrée, bouc émissaire d’une meute pré-pubère, liée par un pacte
patraque, un silence envahissant. Au final, le film mérite sa (re)découverte
pour la grâce intacte, complice, d’une « fille de » qui sut, depuis longtemps,
s’affranchir de ses très estimables parents, tracer sa propre route
professionnelle, plurielle, déployer partout, parmi les imageries de l’horreur,
du thriller (Le Monstre du train,
Roger Spottiswoode, 1980), de la comédie (Un poisson nommé Wanda, Charles
Crichton, 1988 ou Le Tailleur de Panama, John Boorman, 2001), du polar (Blue
Steel, Kathryn Bigelow, 1990), du drame sentimental (Forever
Young, Steve Miner, 1992), de l’action (True Lies, James Cameron,
1994, strip-tease érotique-drolatique
anthologique), sa beauté, son talent, son aura,
sa persona. Dans l’exhaustif The Horrors of Hamilton High: The Making of Prom Night (Michael Felsher,
2014), Paul Lynch s’exprime avec pertinence au sujet de la brillante absente,
de ce qu’elle apporte à l’item, de
ces secondes vivantes, vibrantes, de reconnaissance entre l’agresseur et sa
sœur. Célébrer les Cyd Charisse dérisoires de Danse avec les stars ?
Remercier la lucide et intrépide Jamie Lee Curtis, aujourd’hui et jadis !
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