Cobra : Ingrid sulla strada
Venin étasunien, antidote danois...
C’était deux police
blacks
Qui pratiquaient le
slang
Ainsi que le colt cobra
Serge Gainsbourg
Rambo: Last Blood (Grunberg, 2019) sortira en
septembre mais, a contrario de
Balboa, Cobretti ne reviendra pas. Film orphelin, film écourté, à succès, film
détesté ou adulé, Cobra (Cosmatos, 1986) (re)présente pourtant un (passage)
personnage important pour comprendre la persona
(l’esprit) de Sylvester Stallone. L’acteur, en partie réalisateur, fait
davantage qu’adapter (trahir) un bouquin de Paula Gosling : pour résumer, il
retravaille (des motifs) et (se) rhabille (sa musculature). Outre impliquer la
Warner, inclure au casting Andrew
Robinson & Reni Santoni, Cobra relit L’Inspecteur Harry
(Siegel, 1971), Magnum Force (Post, 1973) et L’Épreuve
de force (Eastwood, 1977), adresse des clins d’œil à Shining
(Kubrick, 1980), aux Griffes de la nuit (Craven, 1984), à
Police
fédérale Los Angeles (Friedkin, 1985) et à... Rambo: First Blood
(Kotcheff, 1982). Ric Waite éclaira L’Aube rouge (Milius, 1984) et Cobra,
au-delà d’un prologue en POV, projectile subjectif, perspective agressive, à la
Dario Argento, de statistiques US anxiogènes, énumérées en voix off, débute à contre-jour écarlate, au
petit matin guère serein, se termine en boucle bouclée sur la route, à moto, le
couple à la place du dingo, la coda dépressive, pareillement motorisée, très
américaine, du Easy Rider (1969) de Hopper peut aller (se faire) voir
ailleurs. Si le « fascisme médiéval » de Dirty Harry déplaisait à
Pauline Kael, le reaganisme arrogant et décomplexé de Cobretti, flic solitaire,
célibataire, affecté à la « brigade des zombies », bigre, relève de
la pathologie, du meurtre avec permis, Cobra crame un mec en direct, descend
sans hésiter une traîtresse piquée à Sudden Impact (Eastwood, 1983),
effet miroir formulé par sa monstrueuse némésis, sous peu empalée par ses soins
en sueur à la Massacre à la tronçonneuse (Hooper, 1974).
Une fois le scorpion (dragon) terrassé,
(saint Michel) Callahan se débarrassait de son insigne, geste d’écœurement, d’épuisement,
de démission, de rédemption. Ici, le « remède » équivaut à la « maladie »,
et Cobretti, en dépit de ses recommandations nutritionnelles, se nourrit de
pizzas (réfrigérées) aussi dégueulasses que la malbouffe ingénument ingurgitée
par son témoin/mannequin. Brigitte Nielsen incarne donc Ingrid Knudsen et Cobra
lui doit beaucoup, même perruquée (cache tes cheveux trop courts, mon amour),
même sacrifiée (par le montage-élagage), car au contact de sa beauté, de sa
simplicité, de sa solidité, de sa légèreté, Cobretti, veuf via une mouture d’écriture, retour à Harry, retrouve une partie de
son humanité, ôte ses lunettes, se met à sourire, met à distance sa (dérisoire)
panoplie over the top, voire autoparodique, cf. la plaque minéralogique de son
bolide à la Batman, d’ange exterminateur sans émotion(s) ni peur(s), à part un
ersatz de colère droitière, les juges (le) jugeront. Mademoiselle Nielsen sut/saura
refroidir l’assistance à l’occasion de Rocky 4 (Stallone, 1985) et Le
Flic de Beverly Hills 2 (Tony Scott, 1987), pour l’instant, à l’instar
de sa performance dans le familial Red Sonja (Fleischer, 1985), elle
réchauffe le cœur du spectateur et de son partenaire à l’écran, hors-champ,
elle reviendra vite (en DVD) selon les sympathiques-anecdotiques Chained
Heat (Simandl, 1993) et Starforce (Mesa, 1995). L’athlétique-héroïque
Ingrid ne se contente pas de jouer (à) la « demoiselle en détresse »
résistante, résiliente, conciliante, conductrice, complice, elle efface un
surnom, elle redonne un nom, elle rend son prénom à Marion. Comme Morrison,
Cobretti déteste un tel intitulé imposé, son manque supposé de virilité, alors
voici « John Wayne », voilà « Cobra ».
Il faut (John) Ford ou une femme (amoureuse)
afin de remiser l’armure, de voir à travers une invulnérabilité fabriquée, de
percevoir l’âme mélancolique de ces hommes forts et fragiles, blessants et
blessés, dont le machisme mesuré, altruiste, main gantée tendue à la
traumatisée du supermarché, dissimule à peine une sensibilité avérée,
séduisante plutôt que désolante. Durant une scène de restaurant, une seconde d’embrassement,
quelque chose du boxeur de Rocky (Avildsen, 1976), du
syndicaliste de F.I.S.T. (Jewison, 1978), du policier in fine travesti des Faucons de la nuit (Malmuth, 1981),
du vétéran vietnamien de Rambo, réapparaît, refait enfin
surface, rédime les frasques, les fusillades, le fric facile, les frivolités du
freak. Marion/Sylvester, auquel il ne
fallait, sur le set, adresser la
parole, surtout en tant que « second rôle » ou figurant, interdiction
de saison (de mesquin « melon »), qui décida de réduire le métrage d’un
autre âge (années 80, quand tu nous tiens) par cynisme financier, pragmatisme d’épicier,
narcissisme assumé, se montre amusant, désarmant, se dispense de son gros
armement symbolique, phallique, souvenez-vous de l’affiche hyperbolique de Rambo
2 : La Mission (Cosmatos, 1985), histoire de rejoindre sur (au) le
plumard une muse à protéger, à bibliquement rencontrer (connaître), lui
assurant (le rassurant) qu’elle ne va pas le manger (dommage). Un film d’amour,
Cobra
? Disons une esquisse, pour les raisons supra,
en moins sado-masochiste que les (més)aventures de Clint & Sondra, oui-da. Créateur
contradictoire, Stallone savait que se mettre à nu signifie parfois, a fortiori dans son cas, se revêtir,
réserver le déploiement de biceps à
son adversaire, majuscule luciférienne optionnelle, fonderie infernale à fond.
Snobé par la star, humilié par Cosmatos, Brian Thompson s’acquitte en
conséquence de la tâche avec panache, un mutisme éloquent, une prestation assez
impressionnante. Utilisons une minute la distribution (l’architecture
psychique) de la psychanalyse, à laquelle nous ne souscrivons pas : Cobra ou le
Surmoi, Marion ou le Moi, le Night Slasher (l’Éventreur de la nuit en VF) ou le
Ça. Chez le Démocrate Craven, les descendants (les enfants grands) des parents assassins
(discrète pédophilie en point commun) devaient renvoyer ad patres, jusqu’au creux de leurs cauchemars malheureux, déversés
dans la vraie vie (du récit), ironie nervalienne, une victime-bourreau
défigurée, increvable, au propre et au figuré. Chez le Républicain Stallone, il convient de
mettre au tombeau son alter ego, d’incendier
sa détestable identité, dès lors exagérée, politisée, rendue idéologique,
asociale, létale, d’envoyer au diable l’émissaire sectaire, le VRP very énervé d’un « nouveau monde »
immonde, en rime (darwinienne) assourdie à « l’ordre nouveau » nazi. Cobra
n’accomplit l’exploit consensuel, conventionnel, paresseux et personnel, qu’après
avoir croisé Ingrid, infirmière de ses souffrances, passeport de nouvelle
chance, compagne (égale) de nouveau départ. Pendant ce temps, la Cannon (dé)compte
le body count, empoche les billets verts, et Cosmatos congédie les huis
clos satiriques, zoologiques, de D’origine
inconnue (1983) ou Léviathan (1989), le révisionnisme
régressif de Rambo: First Blood Part II, réalise, au service (soumis à) de
son scénariste, escorté par Terry Leonard, estimable second unit director/stunt
coordinator, un western urbain
puis rural, en présage de l’historique et choral Tombstone (1993).
Au carrefour du clip, de la comédie
sentimentale, du thriller, du film
dit d’horreur, Cobra s’avère ainsi un ratage intéressant, un divertissement
décérébré, un aveu avorté, un essai de diversification à moitié à la con, un
conte de fées (de démons) totalement irréaliste (simpliste) et, bien sûr, une radiographie
bicéphale, un dialogue dialectique entre le maverick
et sa clique, monologue tacite, implicite, en souvenir du divisé Superman
3 (Lester, 1983). Pas de meilleur ennemi que soi-même, remember l’aphorisme de Nietzsche, à
propos de celui qui te regarde depuis l’abîme, auquel tu finis, à force de
lutter (tout) contre, par ressembler, ou l’inverse. Cobretti, tourmenté,
soucieux de sa santé (allumette, amen,
cigarette, niet), expérimente la fameuse réversibilité, survit à son odyssée
colorée, enténébrée, console son co-équipier, cogne son objecteur préféré. Il
fait mieux, il fait ses adieux, pas tant fourbu, félicité, à la merde foutue
(par lui-même), il chevauche une grosse cylindrée abandonnée, réquisitionnée,
il en inverse le signe funeste, auparavant instrument de mort, de cavalier
apocalyptique, maintenant transport de liberté, de délivrance méritée, d’envol
terrestre, en tandem, loin de l’insanité
généralisée, insoupçonnable et insoupçonnée (remarquez le leitmotiv fugitif des
volatiles). Assise derrière lui, l’enlaçant, Ingrid sourit, esquive le destin
molto malsain de son homonyme immortalisé en 1973 par Brunello Rondi, salut du
sous-titre de cet article + texte thématique, (re)lisez-moi ou pas. Leur
(proche) divorce à venir, Brigitte & Sylvester l’ignorent encore, Cobra
se conclut sur leur accord, sur un « Marion » à l’unisson, d’émancipée
acceptation, puisqu’il sonne bien lorsqu’elle le prononce.
Pour se réconcilier avec soi-même,
quitter le masque antipathique, réintégrer l’espace privé, pudique, de la
sexualité, tant pis pour L’Étalon italien (Lewis, 1970) de
jadis, des permissives-paupérisées seventies,
il suffisait d’une femme affolée, tout sauf fadasse, d’un Angel of the City évidemment
rédempteur, s’époumone Robert Tepper. Adrienne & Balboa, Ingrid &
Cobra, toujours tu trouveras une égérie active, combattive, digne de te
soutenir, de t’éviter de mourir (vivant). Heaven
send her to my door/I can’t hide away
here anymore : cela, en tout cas,
arrive au cinéma, ceci illumine, même en mineur, le presque expendable Cobra, cara mia...
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