Humongous : Anthropophagous


La faim, les moyens, la famille (in)humaine...  


Humongous (Paul Lynch, 1982) mérite au moins en partie sa mauvaise réputation, même auprès des amateurs d’horreur(s), souvent indulgents, car ce slasher insulaire hélas largement indiffère. Il s’agit, résumons, d’une version (r)adoucie, rajeunie, du film assez sympathique, à défaut d’être gastronomique, de Joe D’Amato, auquel j’emprunte le sous-titre de mon article. Contrairement à son célèbre prédécesseur, le méconnu Humongous s’avère linéaire ; pareillement à lui, il se dote d’un diary. Comme les bonnes intentions, navigation ou non, pavent l’enfer, on va finir par le savoir, nos oisifs adolescents du moment, secourants, davantage que secouants, perdent immédiatement leur paternel bâtiment, avant de perdre la vie, parmi la nature jolie, funestement délestée du moindre son, du moindre signe d’animation, souligne avec pertinence la seule et future survivante. Qui diable décime les teens ? Le fils illégitime, guère magnanime, souffrant d’acromégalie, point commun avec le Pluton de La Colline a des yeux (Wes Craven, 1977), molto cannibale idem, de l’héritière (in)fortunée, éprise de canidés, agressée pendant le prologue. Humongous commence par conséquent de manière prometteuse, que les cinéphiles féministes me pardonnent, par un viol vintage en POV, sis au sein du week-end du Labour Day, supplice millésimé de 1946. Le sac de merde en vêtements immaculés, à la démarche alcoolisée, ne chôme pas, maudit goujat, il fume et déflore sans remords la jeune femme en train de se défendre. Chiens échappés du chenil à la rescousse, pierre maousse : voici la victime fissa (auto)vengée, la fête sinistrée, l’introduction conclue. S’ensuit un générique élégant, montage de vraies-fausses images de l’ancien temps, de son écoulement en couleurs apposées sur le noir et blanc, surplombées par du jazz, credits de début à porter au crédit du réalisateur-concepteur.




Ensuite, ça se gâte vite. Britannique de naissance, dessinateur et photographe de formation, Paul Lynch travailla en tant que documentariste pour un certain Bob Guccione, patron de Penthouse et meilleur ennemi de Tinto Brass, (re)calculez Caligula (1979). Cela se voit, il sait saisir, pour ainsi dire, la séduction estivale de la plantureuse et bien prénommée Joy Boushel (Terror Train, Roger Spottiswodde, 1980, La Guerre du feu, Jean-Jacques Annaud, 1981 ou La Mouche, David Cronenberg, 1986), de la fine Janet Julian (Fear City, 1984 + King of New York, 1990, doublé d’Abel Ferrara). Du topless, des fesses, des tensions fraternelles, mise en joue de gros relou, un pêcheur échoué, une aristocrate autarcique, puritaine, maltraitée, maltraitante, des cerbères légendaires, une momie de mommy à la Psychose (Alfred Hitchcock, 1960) et, last but not least, des myrtilles de pâle poitrine altruiste : longtemps avant Wes Anderson, La Malédiction de l’île aux chiens, titre français trafiqué, trompeur, des clébards ne demeurent que les os falots, cartographie un territoire traumatisé, sinistré, déserté. Sous le survival mouligas se dissimule donc un mélodrame maternel, rempli d’une mélancolie très canadienne. Tout se termine par le feu, par un pieu, celui d’un panneau de No trespassing, interdiction de passer, autorisation de trépasser, carrément Kane, ou conne, par la boucle bouclée des outrages, des visages, Ida puis Sandy en sirènes sidérées, dépressives, mutiques, immobiles au bord de l’eau, le regard fixé sur l’horizon de leur déréliction, de meurtrières amères, tellement solitaires. Bien éclairé par l’obscur Brian R.R. Hebb, bien décoré par Barbara Dunphy & Carol Spier, collaboratrices de Cronenberg, bis, l’opus soigné, insipide, impersonnel, à l’argument médiocre, au casting ad hoc, certes desservi par un sujet-traitement rassis, comporte pourtant un plan prégnant.



L’éphémère et vénère Shay Garner nous regarde depuis hier, mère austère, friquée balafrée, porteuse isolée d’un passé qui ne passe pas, génitrice souillée d’un enfant dément, qu’elle souhaitait purifier. Ici résident le mystère évocateur, le charme mineur, d’un métrage tout sauf « énorme », puisque trop dans la norme, celle d’une imagerie désargentée, forestière, ambivalente, perçue misogyne ou plus rarement misandre.


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