Folk : Je t’aime mélancolie
Leroy ? La reine.
I’ve looked
at life from both sides now
From win and
lose and still somehow
It’s life’s
illusions I recall
I really don’t
know life at all
Joni Mitchell
Nolwenn émeut, ne reprend pas,
réinvente, ne revient pas en arrière, va de l’avant, délivre un disque à
écouter en boucle, ici et maintenant. On peut tricher en permanence, partout, à
propos de tout, en politique, en matière de sentiment, pourtant la voix ne ment
jamais, au microphone, au téléphone, nous identifie mieux que l’ADN. Tant pis
pour les paresseux, les épiciers, Folk, sorti l’automne dernier, doré,
à roder sur la route au mois de mars, ah, le temps passe, se caractérise par
son absolue sincérité, sa grâce d’un autre âge. La fille de l’eau, certes
celte, la fille du feu, sous le soleil noir nervalien, carbure à la mélancolie,
c’est-à-dire se situe dans une perspective personnelle, partagée, un vrai point
de vue sur la vie, le métier, de chanter, de vivre, rajoute Pavese, qui inclut
l’humour, pas toujours sombre, qui implique une énergie, par exemple à la Katy
Perry, qui ne saurait se complaire au creux de l’inertie, des jérémiades, du
ressassement. Le ressac, la sirène du Finistère doit le connaître, comme chaque
auditeur encore doté d’un cœur, comme chaque individu blessé par l’existence, mais
cela ne l’arrête, ne la projette sur l’écueil de l’ennui, du ramolli, du
prémâché, du déjà dégluti. Son Ulysse à elle se baptise Clément Ducol, maître
délicat des cordes, des guitares, maestro des arrangements sur mesure,
remarquez sa relecture alchimique du titre vite répétitif de Francis Cabrel, blues de Bescherelle. Le navire du tandem ne chavire, fait chavirer l’oreille
par sa proximité, son intimité, ses beautés enchaînées à la suite, à la fois
émancipatrices et addictives, peu de prises, conservons la spontanéité des
sessions parisiennes, please, facile
anglophonie de formation scolaire, adolescente, comprise.
Artiste altruiste, lucide,
pragmatique, mère trentenaire, amoureuse et généreuse, les deux indissociables,
médiatisation tissée à la discrétion, voici donc une chanteuse populaire,
vaccinée de naissance contre la vulgarité généralisée, dont le succès rassure, même
si l’on se tient à distance d’une dérisoire académie, même si l’on ne demande
qu’à redécouvrir le répertoire d’une interprète, parolière, compositrice
désormais parvenue à maturité, la sienne, singulière, lunaire et solaire, mise
en lumière par votre serviteur à l’occasion de sa collaboration avec Renaud Capuçon, aussi précieuse, gracile et solide que la pierre homonyme. Cette
plénitude sereine, débarrassée du bruit, délestée du moindre effet, s’appuie
sur les talents réunis de Dick Annegarn, Jean-Michel Caradec, Leonard Cohen
& Graeme Allwright, Renaud Detressan, Yves Duteil, Nino Ferrer & Diane Beretta, Jacques
Higelin, Daniel Lanois, David McNeil, Nicolas Peyrac, Yves Simon, n’omettons
pas les membres de Malicorne, à savoir Marie Sauvet, Hughes de Courson, Laurent
Vercambre et Gabriel Yacoub. Fidèle au matériel d’un héritage spirituel transmis,
fidèle surtout à elle-même, à son aristocratie, à sa démocratie, Nolwenn Leroy
évoque le pourquoi et le comment de Folk dans les colonnes de
l’estimable-spécialisé magazine en ligne Je suis musique, bel entretien bien
illustré, on évitera par conséquent de la paraphraser, de redonder un discours
à son image, articulé, raisonné, modeste, sensible, tout sauf placide. En
vérité, album plébiscité, Folk
ne nécessite point pareil article entiché, raison supplémentaire pour l’écrire,
pour redire l’importance majeure d’un art mineur, fameux jugement relatif d’un
certain Serge Gainsbourg, qui accompagne les conduits acoustiques et les
consciences poétiques depuis Orphée, allez.
On se souvient, cinéphile mélomane,
des phrases de François Truffaut proférées par Fanny Ardant, muse ardente, démente,
hospitalisée, durant La Femme d’à côté (1981), mélodrame
imparfait magnifié par la partition de l’irremplaçable Georges Delerue : « J’écoute
uniquement les chansons. Parce qu’elles disent la vérité. Plus elles sont
bêtes, plus elles sont vraies. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes. » Celles de
Folk,
anthologie très jolie, à fleur de peau, exempte de défauts, possèdent leur
propre valeur, se voient mises en valeur par une voix grave et légère,
contemporaine et cependant plus ancienne que la femme forte, fragile,
fréquentable qui l’affiche et l’affirme, de toutes les puissances de sa
tendresse. Elles savent en sus, merci à Nicolas & Nino, transcender
l’indicible, adoucir l’atrocité subie par l’éternelle Sharon Tate, rédimer un
deuil de crash aérien, brésilien,
puisque la clarté, cernée de ténèbres, ne s’en dissocie, puise à l’obscurité,
sait en saisir la part maudite et magnifique, amitiés à Bataille, leçon de
Baudelaire. Retour à Truffaut, à son interview
par Luce Vigo pour Révolution, parue en simultané de l’acmé mitterrandienne :
« Je pense que ce qui est culturel, c’est ce qui nous aide à vivre. »
Avec ses treize items, chiffre funeste
ou faramineux, la galette presque bretonne séduit à l’instar d’un
« bouquet de chansons », citation de l’intéressante intéressée,
extraite du livret de l’édition de luxe, limitée, indique le sticker. À l’extérieur, à l’intérieur,
entourée de fleurs, Nolwenn ne sourit, néanmoins les géraniums s’avèrent
sacrés, sinon hédonistes, ornement de cimetière dissimulant un sourire en/de
duo. Que le lecteur se rende là, histoire de croire le texte supra – merci, belle dame pas sans
merci, excuses à Keats…
Une question de génération sans doute, eh oui je me fais un peu vieille et je ne craque que sur cette voix merveilleuse de Nicole Croisille "I'll never leave you" | Archive INA,
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=7eAwKv2twFI
Nicole Croisille s'encanaille en compagnie de Corinne Cléry, oh oui :
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=1arkNVjDKkk
https://www.youtube.com/watch?v=4efF2CxaiDM