En eaux troubles : La Mort au large


Poiscaille (tré)panée ? Léviathan trop vide !


« Un requin préhistorique qui rôde, ça sent le canular » où alors, outre le départ précipité de calmar maousse, le conte de fées aquatique, destiné à de grands enfants très indulgents, caractère cristallisé par cet instant de face à face entre la Nippone mignonne et le mégalodon à la con, ogre numérique derrière sa vitre méta, sur le point d’avaler l’avatar transgenre, délocalisé, du Petit Poucet, de quoi régaler la cinéphilie psy amatrice « d’oralité », olé. La Warner saisit que désormais le ciné se situe surtout en Asie, embauche par conséquent la belle et solide Li Bingbing, vue dans Détective Dee : Le Mystère de la flamme fantôme (Hark, 2010), repêche John Turteltaub, disparu des radars depuis 2013, non pas spécialiste des tortues, tant pis pour son patronyme, mais signataire anonyme de Rasta Rockett en 1993, de Phénomène en 1996, de Instinct en 1999 et du diptyque Benjamin Gates en 2004-2008, suite d’opus dispensables, pas vrai ? Collaborateur régulier de Clint Eastwood, béni dans L’Exorcisme d’Emily Rose (Derrickson, 2005) ou égaré dans le Faubourg 36 (Barratier, 2008), le capitaine Tom Stern éclaire l’odyssée collective sous l’eau, en studio, au grand air de la Nouvelle-Zélande ou de la Chine sudiste, aux faux airs de Floride. En eaux troubles (2018), aka The Meg, plus familier, moins bateau, plutôt que faire penser, misère, aux Dents de la mer (Spielberg, 1975), évoque davantage une bouillabaisse balèze de Abyss (Cameron, 1989) et L’Aventure intérieure (Dante, 1987), assume son romantisme sucré, de famille recomposée, au féminisme soft, au multiculturalisme utopique, chacun différent, tous réunis selon un seul projet, trajet, majoritairement en anglais, sous-titres du chinois inclus. Une nouvelle fois, l’Amérique nordiste se rêve en nation cosmopolite, malgré l’évidente et distrayante médiocrité de l’entreprise à succès.



Un zeste d’écologie, une pincée d’anticapitalisme, un soupçon d’alcoolisme, de sens du sacrifice, le motif traditionnel du trauma, à surmonter, amen, quitte à plonger au cœur des profondeurs, hélas ne suffisent à relever l’ensemble, à épicer son insipidité inoffensive, tout public, c’est-à-dire, CQFD, pour personne. Ici, rien ne frissonne, les morts s’accumulent sans émouvoir et le clébard du mariage ne fera point naufrage, ouf. Sinon, le sympa Jason sauve, sourit, aussi chauve qu’une chauve-souris, Mister Statham nageur avéré, jadis de compétition, en (pas si) « perfide Albion ». Conscient des inconséquences d’une « science sans conscience », de leur statut d’espèce en danger, à protéger, permutation de prédation, bipèdes désolants, chasse dégueulasse, cf. la scène des pauvres poissons crevés, dépourvus d’aileron, le blockbuster estival laisse tranquilles les requins réels, embête un ancêtre inconsistant, auquel nul ne croit une seconde, qui finira, in extremis, éventré, éborgné, bouffé par de plus petits que lui, inversion moralisatrice, voire démagogique, de la chaîne alimentaire impitoyable, à la majesté létale. En eaux troubles s’autorise en sus une explosion de baleine, manière définitive de s’affranchir du filigrane littéraire, à la Herman Melville, du métrage de Steven, même si les deux œuvres doivent leur naissance (de Vénus) aux best-sellers de Peter Benchley & Steve Alten. Au lieu de Moby Dick, un acteur à dickhead, donc, torse nu, maté en douce par la scientifique divorcée… On sait qu’Eli Roth débarqua, ou se fit débarquer, du bâtiment pour cause de divergences de point de vue, de classification commerciale, que The Meg mit du temps à remonter à la surface, plombé par un développement infernal. Au final, pas de regrets, d’espoirs déçus, puisque l’étalon du Hollywood contemporain, gavé de CGI, d’éthique à la truelle, de poussière du classicisme d’hier, Michael Curtiz se marre, propose exactement au spectateur ce qu’il désirait, se changer les idées (fixes), s’évader à domicile. Du cinéma ? Du fast-film, foi de filet.


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