La Passagère : Douces flammes de Darlanne Fluegel
Une blonde et un privé ? Un brun privé d’espoir, pas de mémoire.
Dieu réunit ceux qui
s’aiment.
Édith Piaf
Je me souviens, bien sûr, de Darlanne Fluegel dans Police fédérale Los Angeles (To Live and Die in L.A., William
Friedkin, 1985) ; je la recroisai, hier soir, dans Haute sécurité (Lock Up, John Flynn, 1989) ; je découvre, aujourd’hui, en différé,
qu’elle décéda en décembre 2017, à domicile, à Orlando en Floride, des suites
d’un Alzheimer, rime amère, écho d’hosto, à « notre » Annie Girardot.
Soixante-quatre ans, ceci peut certes sembler un peu prématuré, pour passer de
l’autre côté, néanmoins l’ancien mannequin pennsylvanien ne chôma pas, durant
une vingtaine d’années apparut itou dans Les Yeux de Laura Mars (Eyes
of Laura Mars, Irvin Kershner, 1978), Il était une fois en Amérique
(Once
Upon a Time in America, Sergio Leone, 1984), Deux Flics à Chicago (Running
Scared, Peter Hyams, 1986), Coup double (Tough Guys, Jeff Kanew,
1986), Simetierre 2 (Pet Sematary Two, Mary Lambert,
1992) ou Darkman 3 (Darkman III: Die Darkman Die,
Bradford May, 1996). Du grand au petit écran, on la retrouva dans MacGyver
(MacGyver,
1985), Alfred Hitchcock présente (Alfred Hitchcock Presents, 1986), La
Cinquième Dimension (The Twilight Zone, 1986), Les
Incorruptibles de Chicago (Crime Story, 1986-1987), Un
flic dans la mafia (Wise Guy, 1990) ou Rick
Hunter (Hunter, 1990-1991). Surface superficielle du CV, qui retrace un
trajet, qui dissimule une identité. Mystère d’une séduction, d’une affection,
d’une élection. Darlanne se maria, enfanta, deux fois, divorça, enseigna l’art
dramatique, à la University of Central Florida, voilà, voilà. Darlanne sut
aussi, peut-être surtout, désolé de l’égocentrisme, illuminer ma cinéphilie enténébrée
à distance, avec modestie, de ses douces flammes de femme fréquentable.
Parfois, je voudrais croire en
l’existence du Ciel, afin qu’elle puisse lire ces lignes sincères, en sourire,
délestée des obstacles de l’espace, du temps, de la langue, du corps, qu’elle (se)
repose, là-bas, encore. Mais je sais bien, stoïque, je décide, depuis
longtemps, que l’au-delà n’existe pas, tant mieux et tant pis pour moi, sinon
celui, effroyable, familier, de Lucio Fulci (1981), de préférence à celui,
proche de Claude Lelouch, de Clint Eastwood (2010), à éprouver au quotidien, maintenant
et ici. Et si écrire sur le cinéma se résumait à ça, exercice de psychopompe, à
la Poe ? Si certaines vivantes s’avèrent à vomir, de multiples mortes
méritent d’être remémorées, pas vrai ? Fi de nécrophilie, de nostalgie,
les films et les séries de Darlanne Fluegel conservent quelque chose d’elle,
tel un foulard le parfum de l’enfuie, de la défunte, la donnent à (re)voir,
forte et fragile, la rendent, presque, immortelle. Sa gaieté, sa mélancolie, sa
beauté, son talent, y résonnent en sourdine, à l’unisson, disons, de ceux de la
trop discrète Rebecca De Mornay, de la regrettée Sondra Locke, précieuses
consœurs, à la semblable blondeur, ailleurs célébrées sur ce blog, par mes soins sereins. À la fin du
Friedkin cité supra, la persona de Darlanne se fait piéger par
le personnage de John Pankow, fissa substitué au feu flic de William Petersen,
aux faux airs de proxénète policier, olé. Fille du feu, Darlanne Fluegel
vécut vite, dès l’adolescence, dépourvue de paternel, ne s’entendit pas avec
Fred Dryer, démissionna aussitôt, sa Joanne Molenski trépassée après douze
épisodes. Au ciné, à la TV, nul ne meurt vraiment, ou alors intérieurement, son
âme profanée par la profession faustienne, funéraire. L’actrice traversa la
vraie vie souvent nervalienne sans perdre la sienne, gaspiller le sablier, puis
la passante à la Verlaine se retira, oublia sa carrière et le reste, hélas ou
bienheureuse, espérons-la.
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