Les Maîtres du temps : Une merveilleuse histoire du temps
Assassiner le gosse en soi, le ressusciter grâce au cinéma…
(Re)découvrant Les Maîtres du temps
(Laloux, 1982), sa coda plutôt belle de « paradoxe spatio-temporel »,
on pense bien sûr à celle, assez similaire, de 2001, l’Odyssée de l’espace
(Stanley Kubrick, 1968). L’Orphelin de Perdide de Wul date de
1958, comporte pourtant une citation de Clarke, CQFD « au nez » des
années. Cette fois-ci muni de Manchette & Moebius, d’animateurs hongrois,
de chaînes européennes, d’une armada de doubleurs, dont Chaumette, voix
française d’un certain « HAL 9000 », dont Cuny, reconnaissable,
effroyable, en fasciste antimarcusien, le réalisateur prend plusieurs libertés
avec le romancier, livre une œuvre de transition, qui relie La
Planète sauvage (Laloux, 1973) à Gandahar (Laloux, 1987), en
(re)travaille le matériau thématique, graphique, que le lecteur me (re)lise, please. Fable d’infanticide, au propre,
au figuré, conte de maternité, sinon d’immortalité, l’émouvant Les
Maîtres du temps manie la linéarité, la simultanéité, pour mieux les renverser,
in extremis, en « boucle bouclée »,
en cercle cyclique, en sphère fendue, énigmatique, à la Magritte, elle-même à
l’intérieur d’un cube transparent, en mouvement. Film d’enfance, de souffrance,
film de femmes, Annie la mère, la morte, Belle la lointaine, la souveraine,
film de vrai-faux sauvetage, jamais d’enfantillages, Les Maîtres du temps
ressemble à une balade sidérale, à une Berceuse de l’espace, titre
explicite d’une chanson symbolique, due à Bourtayre & Lanzmann, interprétée
par Marianne Mille, alors que Monique Thierry, doubleuse de Lynda Carter &
Mary Elizabeth Mastrantonio (Wonder Woman + Scarface,
Brian De Palma, 1983), anime avec adresse la « Princesse » en
détresse.
Petit Prince, Petit Poucet, le « Petit
Piel » papote avec « Mike », micro-radio, joli joujou,
technologie pas reloue, objet bicolore entre l’œuf, le babyphone, au « yin yang » rouge blanc. Alarmé par un
message amical, testamentaire, Jaffar file fissa dans sa direction, père par
procuration, méfie-toi, mon enfant, des frelons effrayants, du « Prince »
perfide, des lianes, du lac. Le sage, « soûlographe » Silbad, un tandem de « gnomes »
télépathes, les pensées des bipèdes peuvent « puer », en effet, des
anges sans visage, en vérité « pirates » dépersonnalisés, une milice
au M majuscule, « menée en bateau », en vaisseau, une comète guère
suspecte, un trésor en toc, de la flore, de la faune, une zone, un « retour
en arrière » interstellaire, une projection mentale, molto méta, physique,
cinématographique : ainsi se résume, via
ses personnages, ses paysages, l’aimable métrage d’un autre âge, prenant son
temps, retournant le Temps. Cette mécanique quantique, revue récemment, selon
les sentimentaux, adolescents, La Traversée du temps (Hosoda,
2006), Your Name. (Shinkai, 2016), renvoie, en définitive, vers le
cinéma, « cela va de soi ». Téléguidé par ses pseudo-parents
différents, multiples, invisibles, en « voix off », Piel paraît un
acteur, un spectateur. Ce que l’équipage expérimente au final, épiphanie pas si
paradoxale, davantage poétique, tragique, funérailles de retrouvailles,
renaissance aux confins de la conscience, spectacle au carré, déroulé sous le
regard d’un « maître » muet, d’un colonisateur étranger, figure
effacée, presque inaccessible, divine, chevaline, s’apparente à une
« seconde chance », à une forme de fatum, reflète in fine la puissance du dessiné,
l’impuissance face aux destinées.
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