Grandmother’s House : Comment j’ai tué mon père
Parents trop accueillants, roquette suspecte, secret préservé, atrocité
actualisée…
Le petit Chaperon rouge se
déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir
comment sa mère-grand était faite en son déshabillé.
Perrault
Avec son oreille coupée (racontée) à
la Blue
Velvet (David Lynch, 1986) et ses canaux-tombeaux à la Ça
(le bouquin de King, publié la même année), Grandmother’s House
(Peter Rader, 1988) constitue un conte de fées défait, une démonstration de
dessillement, un déploiement de malédiction (familiale). Ce métrage méconnu
mérite d’être (re)découvert, car il parvient à créer un climat de tragi-comédie
réussie, reposant pourtant sur un postulat peu amusant, celui d’un inceste
paternel insoupçonnable, insoupçonné, révélé puis presque reproduit in extremis, mince. Plus tard, Rader
rédigera Waterworld (Kevin Reynolds, 1995) ; pour l’instant, il
illustre avec précision le sujet de Peter (& Gayle) Jensen, ici aussi
directeur de la photographie, là et ailleurs steadicam opérateur, par exemple sur Barfly (Barbet Schroeder,
1987) ou Bound (Lana & Lilly Wachowski, 1996). Relecture
californienne de Hansel et Gretel, Grandmother’s House s’assortit en
sus d’orangers à la Chinatown (Roman Polanski, 1974), autre récit de sexualité
sinistre, sinistrée, d’abus père-fille prolongé. Orphelin endeuillé, illico déplacé au paradis démoniaque
d’un éden sudiste, David va vite s’apercevoir de l’envers du miroir, à savoir
des méfaits de sang de ses effarants grands-parents. Accompagné de sa sœur idem mineure, elle-même en train
d’explorer les délices piégés de la puberté, piscine où « se rincer l’œil »,
voiture écarlate, quasi à la Christine
(John Carpenter, 1983), où apprendre à (se) palper, pardon, à (se mal)
conduire, incluses, David, descendu à la cave, tels les gosses en frayeur de La
Nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955), avise une dame menottée,
prisonnière de frigidaire, une pensée pour la fille refroidie de Rabid
(David Cronenberg, 1977), déjà croisée pendant les festivités aquatiques
précitées.
Sait-il qu’il s’agit de sa mère,
cinglée soudain évadée, venue les prévenir de s’enfuir, cependant bien décidée
à les supprimer, victime et bourreau comme il faut ? Peu importe,
puisqu’une photo le (lui) prouvera. Confronté à et conforté dans sa folie
d’affreuse hérédité, il ne reste plus à l’enfant reflété, un brin narcissique, qu’à
se peinturlurer le visage en rouge et à rejouer en replay, à coup de hache enragée, la violence unisexe de la calamiteuse
et tueuse lignée, radicale coda dépressive de parricide, capturée en
contre-plongée, charcuterie hors-champ achevée en trinité de raccords axés, de
paysage crépusculaire, silencieux, à l’exception de ses cris à l’infini.
Parsemé de cadavres masculins, ceux d’un conducteur, d’un policier, d’un petit
ami, le métrage atmosphérique affirme sa moralité pessimiste, implique un
pique-nique à vous couper l’appétit, à l’insanité drôle à la Lewis Carroll.
Muni de sa lunette à infra-rouge
fournie par son défunt papa, militaire de Marines,
mazette, le gamin veut mieux voir, il trafique des feux d’artifice afin de
faire remonter à la calme surface du lac patraque les corps supposés,
martyrisés. En vérité, il ressuscite un passé pestiféré, finira par « reprendre
le flambeau » sado, après passage par le toit point sympa. Si l’imagerie
dite horrifique peut pratiquer l’exercice cathartique, délivrer, de façon
provisoire, le temps d’un soir, le spectateur de ses peurs, le purger de la
pitié, de la terreur, elle peut parfois opter pour la circularité désespérée,
approfondir les délires de l’entropie, a
fortiori en huis clos de promiscuité, de malignité. Avec humilité,
simplicité, Grandmother’s House affiche à son tour le foyer en mausolée,
effraie en mineur, possède un cerveau et un cœur. Cette House-ci (Steve Miner, 1986) sent le
sperme, l’infamie, vous y pénétrerez à vos périls.
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