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Affichage des articles du 2025

Ciné-fils d’Afrique

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  Exils # 152 (18/12/2025) « Votre père adoré, il s’est barré », « Un mari parti, des enfants qui volent, quel déshonneur » : la mère couturière verbalise, invisible, se lamente, à demi démente. Il faudra que le « grand » fils, in extremis , avec sa « vieille » – vingt ans et toutes ses blanches dents + pendants en coque de cacahouète – mais chouette petite amie sourde et muette (la bientôt chanteuse Mounira Khalil) l’exfiltre de l’asile, la ramène chez elle, arrive à la sortir de sa léthargie, via une chanson à l’unisson, plutôt que l’ album photo feuilleté à l’occasion. L’adolescent de quinze ans perd donc un père, puis un frère, regagne sa mère et (manque les cours) découvre l’amour, extase express en solo, à moto, prêtée par l’oncle guitariste, optimiste et davantage mouillé qu’endimanché. Abouna (Haroun, 2003) débute un samedi matin, absence d’arbitre insolite, commence comme La Prisonnière du désert (Ford, 1956), par consé...

Game (to redisc)over

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  Exils # 151 (16/12/2025) Redécouvrir WarGames (Badham, 1983) en 2025 finissante, sinon inquiétante, possède un certain piquant et démontre deux choses : 1) John Hughes dut le voir avant de réfléchir à l’hédoniste effronté de La Folle Journée de Ferris Bueller (1986) ; 2) en dépit d’un catalogue – j’allais écrire arsenal, terme très connoté – technologique déjà dépassé, le conte moral conserve son actualité. La bataille finale de tartes à la crème (coupée au montage, dommage) de Kubrick & Southern ( Docteur Folamour ou : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe , 1964) ? L’ordinateur placide et néanmoins homicide de Clarke & Kubrick ( 2001, l’Odyssée de l’espace , 1968) ? Le cinéaste et les scénaristes ne s’en soucient, délaissent au tandem d’illustres ancêtres la satire en situation et l’ironie d’anticipation. Ils s’intéressent au « réel », au jeu sérieux, à ce qui les différencient, cf. l’épiphanie collective de...

Élémentaire, ma chère Watson

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  Exils # 150 (15/12/2025) L’ambiguïté de Rosemary’s Baby (Polanski, 1968) ? Le dolorisme de L’Emprise (Furie, 1982) ? La chronologie de Lucky (Kermani, 2021) ? Périmètre mortel (Red, 2008) s’en moque à la truelle, malmène Famke Janssen qui se démène, se souvient de Verhoeven ( Hollow Man : L’Homme sans ombre , 2000), l’invisible devient visible via le sang de l’amant, violence virtuose, payer de sa vie le prix d’une nuit d’humide défi, logique symbolique empreinte de puritanisme. Si le synopsis se résume à ceci : une ex -détenue homicide affronte à domicile le fantôme d’un flic, la scène de ménage ne ménage ses dommages et mérite quelques lignes à demi laudatives. Nanti d’un titre d’origine programmatique ( 100 Feet ), assez bien adapté en français, ce survival marital, au final infernal, demeure en flammes, telle jadis la chaufferie du Freddy des Griffes de la nuit (Craven, 1984), naturalise le fantastique, n’en fait une affaire de subjectivité f...

Beyrouth et Boucles d’or

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  Exils # 149 (11/12/2025) Médecin assassin au miroir nietzschéen, Bernard Giraudeau, primé à Venise, sorti du réussi Poussière d’ange (Niermans, 1986), interprète avec un poignant brio ce toubib homicide et au bout du rouleau, repensons à Delon ( Le Toubib , Granier-Deferre, 1979), ersatz d’Ulysse de retour à Paris, longtemps avant les attentats, Virginie Efira ( Revoir Paris , Vinocour, 2022). Claire, l’héritière, c’est-à-dire une juvénile et convaincante Laure Marsac, je vous renvoie au même endroit vers mon petit portrait énamouré, fréquente en adolescente un cabaret libanais, prend la place de Pénélope, « peau blanche » fascinante parmi un milieu interlope. Idéaliste dessillée, danseuse presque incestueuse et un peu « pisseuse », au propre et au figuré, cf. Gainsbourg & Linda Blair ( L’Exorciste , Friedkin, 1973), elle sauvera (embrassera) in extremis son perturbé (barbe à) papa, épilogue en forme de pietà, tandis qu’une dame « (dé)voilée ...

Barbare Barbara

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  Exils # 148 (10/12/2025) Palme méconnue et moins musicale que le fameux Orfeo Negro (Camus,   1959), La Parole donnée (Duarte, 1962) ressemble un brin, de loin, sujet de sainteté très tourmentée, à Rossellini ( Le Miracle , 1948) & Buñuel ( Simon du désert , 1965), dispose d’un escalier ecclésiastique aussi spectaculaire que celui d’Odessa la soviétique ( Le Cuirassé Potemkine , Eisenstein, 1925), tandis que le générique de danse, transe, errance, se munit d’un désertique incendie à ravir Tarkovski ( Le Sacrifice , 1986). Ceci posé, l’ opus possède sa propre personnalité, se suit avec plaisir et le sourire pendant une heure trente rapide et dense. Si le dramaturge et scénariste (Alfredo) Dias Gomes souffrit d’afficher ses sympathies gauchistes, interdiction d’expression et licenciement à l’avenant, là-bas, en ce temps-là, ça ne plaisantait pas, pas vrai, Lula da Silva, le socialisme sur fond d’antiracisme ne sort ici grandi, car la satire bien sentie, tragi-comique...

Jetons et Dragons

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  Exils # 147 (04/12/2025) On se doute de la tête des cadres de Disney à la projo privée, surtout la scène du pied princier, par la bête bien bouffé. On entend itou parler de virginité, on entrevoit sous l’eau une nageuse nue : Le Dragon du lac de feu (Robbins, 1981) s’inscrit ainsi dans le sillage de longs métrages disons adultes, au modéré tumulte, à l’instar du Trou noir (Nelson, 1979), des Yeux de la forêt (Hough, 1980), de La Foire des ténèbres (Clayton, 1983). Si le périple initiatique, à grande lance fissa phallique, dont le nom duplique le titre d’origine ( Dragonslayer , Buffy opine), réutilise une ressassée structure mythique ; si la créature en question, détruite en définitive via un « sorcier en apprentissage » (cf. Fantasia , 1940), avec le concours de son mentor déjà mort ( Sir Ralph Richardson cachetonne, ressuscite le Moïse de DeMille) et d’une chouette amulette, procède d’un bestiaire culturel et religieux fameux ; si l’issue ne sem...

New Yorke

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  Exils # 146 (02/12/2025) Howard Hawks se moquait de la sentimentalité de John Ford, mais Rio Grande (1950) s’avère presque pudique et modéré par rapport à l’expressivité de Pagnol ( Marius , Korda, 1931), c’est-à-dire de Raimu & Fresnay, père et fils enlacés. Dans un plan-séquence assez intense, la remarquable Maureen O’Hara essuie une larme, son rejeton embrassé à trois reprises – front, nez, lèvres – ne désarme. Néanmoins l’émotion irrigue tout le film, tel le fleuve qui le baptise, se rebaptise Bravo du côté de Mexico, Howie dit oui, frontière liquide à ne pas franchir au jeu dangereux « du chat et de la souris », finalement franchie afin de secourir des enfants captifs rassemblés à l’abri d’une église, croix de volets en meurtrières fissa transformées, comme si Oradour se délocalisait, contre-attaquait. Du chœur ecclésiastique au chœur acoustique, voire l’inverse : les hommes chantent, enchantent, déchantent ; ils « massacrent » aussi les Apach...

De la mort des marionnettes

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  Exils # 145 (26/11/2025) Conte d’éducation méta et mental, Stopmotion (Morgan, 2023) doit beaucoup de sa séduction à une excellente actrice nommée Aisling Franciosi, déjà au générique de la série britannique The Fall . À l’instar de Sissy Spacek chez Brian De Palma ( Carrie , 1976) et Angela Bettis chez Lucky McKee ( May , 2002), la jeune femme (em)porte le film sur ses épaules fortes et fragiles, de la stroboscopie du prologue, amitiés à Noé, où son visage en rythme se déforme, sorte de sorcière multicolore, à la malle du final, coda d’au-delà, au silence d’enfance. Sa mère moins douce qu’amère, pas trop aphone, sa mimine (ré)animée au smartphone , à l’hosto alitée l’avertissait : une fois le spectacle terminé, voici les marionnettes rangées, inanimées, abandonnées. « Emmêlée dans ses fils » de fille sans « voix » ni voie (de secours) à soi, Ella vit sa folie jusqu’à la lie, comme jadis Catherine Deneuve chez Roman Polanski ( Répulsion , 1965), elle ...

La Déesse de la détresse

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  Exils # 144 (25/11/2025) Datée d’une trentaine d’années, la version restaurée de Narayana (Poirier, 1920) s’ouvre sur des images du tournage, bref making-of d’exploitants en train d’explorer le studio, le temple art déco. Si les dames demeurent discrètes, des messieurs facétieux saluent l’objectif, c’est-à-dire désormais les cinéphiles en ligne. Puis on apprend que la première se passa au Gaumont-Palace, façade imposante en insert. Les principaux interprètes défilent en fondus dans la foulée, vous voici capturé de bon cœur, durant une petite heure, au creux soyeux d’une traduction très infidèle, presque pirate, de La Peau de chagrin de Balzac. Le successeur de Feuillade au poste de directeur artistique des produits de la firme à la marguerite engage Robert-Jules Garnier, donc le décorateur de Fantômas (Feuillade, 1913), L’Homme du large (L’Herbier, 1920), El Dorado (L’Herbier, 1921), La Femme de nulle part (Delluc, 1922) ou Un chien qui rapporte (Choux, 1931) et le film...

Panique celtique

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  Exils # 143 (20/11/2025) « T’es pédé ou quoi ? » demande Depardieu à Perez : question de bon ton, désormais démodée, merci au moralisme cinématographique, à la police du lexique, dont le pronom indéfini importe plus que l’épithète obsolète. Diptyque de répliques explicites : « L’amour c’est la merde », toujours du junior , « Ils jouent à un drôle de jeu ces deux », observe avec justesse un flic à l’écoute. Comédie noire souvent desservie par sa forme de téléfilm, TF1 co-produit, l’incontournable Canal+ aussi, Le Pharmacien de garde (Veber, 2003) connut l’échec économique et critique. Alors âgé de trente-sept années, le fils de Francis mit une décennie à s’en remettre, remit le couvert sur un script assez similaire, puisque Bipolar (2014) a priori revisite de Hyde & Jekyll, tourné aux States , sa nation de formation, inédit ici. Autrefois assistant sur La Chèvre (Veber, 1981) et acteur dans Les Fugitifs (Veber, 1986), ensuit...

Pain et Madeleine

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  Exils # 142 (19/11/2025) Aseptisée, désincarnée, illustrative, translucide, cf. la célèbre scène de la « tempête crânienne » : on peut préférer sans regret la robustesse de Bernard ( Les Misérables , 1934) ou le pessimisme de Hossein ( Les Misérables , 1982) à l’échantillonnage de Le Chanois ( Les Misérables , 1958). Malgré ses trois heures de familiers malheurs, sa version va trop vite, survole son sujet, rabotage de montage, deux heures ailleurs de tumultes et de chutes, ressemble à une bande-annonce soucieuse de ne déranger personne, de quoi donner raison de facto au pamphlétaire Truffaut. La discutable et discutée « qualité française » mise en cause par l’un de ses futurs représentants, même différemment, s’acoquine ici au fameux, sinon sinistre, professionnalisme allemand, car co-production de bon ton, figurants de la DEFA disons à ouf, capables de remplir avec rigueur le(s) cadre(s) de la bataille des barricades, l’Italie investit aussi. Dès le ...

L’Arroseur à Rosay

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  Exils # 141 (18/11/2025)   En dépit d’une note d’intention de bon ton, La Kermesse héroïque (Feyder, 1935) ne succombe au picturalisme, car cette « farce héroï-comique » déclarée fictive, sinon inoffensive, ne manque de mouvement, à la grue notamment. L’auteur de L’Atlantide (1921), Crainquebille (1922), Visages d’enfants (1925) ou du Grand Jeu (1934) certes profite d’une impeccable direction artistique, concoctée par les cadors d’alors, Benda, Meerson, Trauner, Wakéwitch et compagnie, mais jamais ne s’immobilise ni ne s’endort sous le poids des costumes ou du décor. Sept ans avant Les Visiteurs du soir (Carné, 1942), réalisé par son ancien assistant, il raconte un conte de passage et de passé, propice à être (sur)interprété, contexte historique oblige. Retoqué par Korda et la UFA puis produit par la Tobis, ce succès en salles adapte une nouvelle de Spaak, datée d’une huitaine d’années, chèrement et peu cordialement payée, recrée le comté de Flandre du côté...

Fichus Français

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  Exils # 140 (13/11/2025)   É vasion de Delon, Gabin en Sicilien, Ventura ne vapote pas : divertissement amusant mais limité, un poil longuet, Le Clan des Siciliens (Verneuil, 1969) fonctionne en fait et en définitive de façon déceptive, raconte à l’encontre de l’horizon de réception, paraît l’estimable précipité d’un pays et d’une partie de sa population sur le point de changer à jamais. Il s’agit bien sûr aussi d’une histoire de hasard, de bijoux et de joujoux, ombre baudelairienne d’arnaque aérienne, le cadeau mimétique offert au futur mouchard par son grand-père pas encore froidement furibard en reflet de l’aéronef filmé, donc du film lui-même, grand jeu pas autant dangereux, jadis déjà décrit par Welles tel un « train électrique » magnifique. Cette dimension d’enfance disons émouvante, au risque du puéril, un instant assez superbe la symbolise, lorsque Roger Sartet se souvient du passé, son CV de braqueur à main armée, fatal aux flics, lu par le juge, s...

La vie est belle à Vienne

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  Exils # 139 (12/11/2025) Sans emploi et sans toit, le quidam de mélodrame, soi-disant « Jean Durand », décide recta d’un suicide à la Capra, sauve in situ la désespérée bienvenue, qui le secourt à son tour, n’en déplaise aux féministes contemptrices du motif de la « demoiselle en détresse », lesquelles soulignent le double outrage du vrai-faux mariage, l’époux « protège », l’épouse « obéit », eh oui. Après cette plongée en replay , puisque récompense à la clé, billet policier et frais transférés, notre jeune « couple de (non) mariés », condition d’annonce, astuce d’alliances pas chères, répond donc à l’impératif programmatique du titre, parcourt un périple épisodique plus hédoniste que marxiste. Gardez le sourire (Fejos, 1933) fait souvent sourire, en intérieurs et en extérieurs respire, porté par un tandem amène, candide « Gustave Froehlich » & Annabella en réel « rayon de soleil », nom de baptême ...