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Affichage des articles du 2025

Je fuis une légende

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  Exils # 120 (24/07/2025) « Il a toujours été spécial » déclare la barmaid adepte du « pas de vagues » local. Cependant le berger sudiste n’accomplit rien d’extraordinaire, l’élevage en bord de mer, donc dénué de la transhumance montagnarde, représente à peine une particularité, un mode démodé soumis à l’immobilier. La séquence du générique le présente ainsi en caméra portée dans son active banalité, s’occupant en silence de ses bêtes simplettes, inconscientes des enjeux dangereux et des « intérêts monstrueux » de leur ancienne présence et programmée absence, avant qu’une porte ouverte et un mouvement paysagiste ne dévoilent l’ampleur du panorama et le prix de cette terre-là. Ni pétainiste ni marxiste, Joseph se fiche de l’idéologie, de la lutte des classes ne se soucie, l’attachement au territoire, voire au terroir, variante culturelle et accessoire consensuel de la provinciale politique archaïque ou écologique, lui passe au-dessus de la tête et...

L’Âge de glace de la guerre froide

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  Exils # 119 (17/07/2025) Si Richard Harris refusa L’ Œ uf du serpent (Bergman, 1977) au profit d’ Orca (Anderson, 1977), la production imposa donc Richard Burton, mais L’Espion qui venait du froid (Ritt, 1965) lui permet de déployer l’une de ses meilleures interprétations. Escorté par un casting choral impeccable, Monsieur Liz Taylor, ancien amour de Claire Bloom, vous suivez, acteur au carré, à raison récompensé, incarne un Alec très tourmenté, d’abord déguisé en dépressif alcoolique, amer et déclassé, ensuite en prisonnier express puis vrai-faux transfuge de retraite montagnarde et de tribunal bancal. Les mauvaises langues soulignent qu’il s’agit à peine d’un rôle de composition, les cinéphiles applaudissent devant le talent, capable d’exprimer la peur de ce temps-là et le dégoût de tout cela, sinon de soi. Pourri par l’opportunisme – expediency en VO, « pragmatisme » en sous-titres – et le machiavélisme, voire le pharisaïsme et l’homophobie, queer guère un...

Virez Willy

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  Exils # 118 (15/07/2025) Achab du Canada, Nolan, au patronyme explicite, alon ( e ) loin de Babylone, possède aussi son idée fixe, qui le possède et finit par le perdre, substitue au Queequeg d’ébène l’Indien lucide, pas du tout fou, de Vol au-dessus d’un nid de coucou (Forman, 1975). Lectrice de Melville, scientifique héroïque et enseignante « réchauffante », surtout du côté de la banquise, Charlotte Rampling formule et tamise l’anthropomorphisme, le mâtine d’une amère ironie : la mémoire sentimentale du mammifère « monogame » – dixit une bientôt unijambiste Bo Derek aux joues rondouillettes – et intelligent excède celle fameuse de l’éléphant, mais cette « quasi » humanité attribuée, remarquez les mimis mimines du fœtus foutu, participerait hélas du « réflexe le plus primitif » de l’espèce bipède, vive la vengeance et la violence, revoilà Peckinpah, éthologue du viol ( Les Chiens de paille , 1971). La femme fréquentable, deux fois rescapée, en coda...

Au nom du Pierre

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  Exils # 117 (11/07/2025) Haceldama ou le Prix du sang (1919) s’ouvre sur une citation explicative, topographique et laconique, de l’ É vangile selon Jean , cela ne surprend de la part du réalisateur de Golgotha (1935), où Judas se resuicidera. Le tout premier plan du tout premier film de Duvivier, auteur disons supérieur, puisqu’il s’occupe de tout, du scénario, de la caméra, du montage, du labo à Bordeaux, de la production avec sa société Burdigala Films, in extremis signe même l’ item , jolie calligraphie, possède donc une pendaison d’introduction, de religion, suivie illico d’un sanglant couteau, tandis que ce métrage sans dommages carbure à la culpabilité, fonctionne au secret de famille enterré, au propre et au figuré, du côté de la Corrèze, planque balèze, au creux de laquelle concocter un vrai-faux western , mode d’époque, Gaumont ne dit non, une « grande scène dramatique en quatre parties », voire évangiles, témoignage sans outrage d’une « époque hé...

Une inconnue et Delluc

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  Exils # 116 (08/07/2025) Le « cinéaste » cinéphile filme donc (fissa) les « fantômes de l’écran », le « pèlerinage » d’une « épave », à défaut de la Duse souffrante, revoici Ève Francis, muse complice et de Marcel L’Herbier aussi la collaboratrice ( El Dorado , 1921). Ils s’aimaient ces deux-là, cela se sent et se voit, même si leur divorce point précoce survient ensuite, a contrario de la coda conservatrice. Dans Eyes Wide Shut (Kubrick, 1999), un autre couple en crise se retrouve et se regarde in extremis , en tout cas devant la caméra, puisque Cruise & Kidman se dirent « adieu » loin de nos yeux. Ici, Roger Karl ( L’Homme du large , L’Herbier, 1920), lequel ressemble un brin à Michael Lonsdale, se casse à Gênes, empli de gêne, file y faire affaire, intermède documentaire, ne succombe à la tentation à la con d’une danseuse, d’une entraîneuse, de confetti riquiqui. Le scénariste réalisateur débuta au théâtre et l’histoir...

Zone d’intérêts

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  Exils # 115 (02/07/2025) Jeux interdits (Clément, 1952) en Slovénie ? L’aimable mélodrame martial possède son propre charme et l’on songe davantage à une seconde vallée, celle de James Clavell. Dans La Vallée perdue ( The Last Valley , 1971), flanqués de Florinda Bolkan, Michael Caine & Omar Sharif partageaient un répit relatif, parmi un précédent conflit ; dans La Vallée de la paix (Štiglic, 1956), un duo de gosses s’enfuit vers un improbable paradis, petite vadrouille où ça dérouille, avec un aviateur américain, protecteur et proie, pour « partisans » et pour soldats. L’ opus picaresque et modeste va vite, le voyage aux paysages en diagonale un brin Bergman pratique les bien nommés travellings . Linéaire plus qu’austère, les yeux mouillés mais jamais niais, le métrage d’un autre âge mérite quelques lignes d’hommage, ne fait perdre son temps au spectateur, ne fait de chantage à son cœur. Le prologue urbain, aux bombardements alliés destructeurs ...

Veni vidi Fidji

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  Exils # 114 (26/06/2025) Adaptation de Dick ? Mélodrame drolatique, où un « adulescent » découvre soudain que depuis sa naissance tout le monde de son petit monde lui ment. Il suffit d’une interférence à la radio d’auto, de la résurrection rapido du pseudo papounet trépassé en bateau, traumatisme et culpabilité de minot à trafiquée météo, pour que le simulacre se détraque, que la « star » décide de passer derrière le miroir (salut Alice), de monter l’escalier (type Magritte), de sortir du studio, réplique et révérence respectueusement insolentes en prime ( time ). L’agent d’assurance accomplit ainsi une seconde (re)naissance, quitte la matrice (sur)protectrice et « manipulatrice », petit paradis WASP pastel et pasteurisé, à rendre caduc celui du miston Burton ( Edward aux mains d’argent , 1990). Point de pilule, de complot, de Neo ( Matrix , les Wachowski, 1999), plutôt la révolte non violente (couteau écarté illico ) et individuelle du héros...

Poussière d’étoile

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  Exils # 113 (18/06/2025) Dans ses Souvenirs et Réflexions , l’estimable musicienne Mel Bonis affirme : « L’artiste n’est pas un moraliste, mais il se doit d’être une personne morale. » On ne saurait douter de l’éthique d’Anthony Mann, néanmoins cette « étoile d’étain » d’intitulé original mérite son titre. Western modeste, mineur et méconnu, cela explique en partie ceci, Du sang dans le désert (1957) ne réussit jamais à s’élever au-dessus du statut de bel exercice de style desservi par un script simpliste, signé du complice de Ford Dudley Nichols ( La Chevauchée fantastique , 1939), « d’après une histoire » de scénaristes de TV, handicapé par un casting anecdotique, surtout du côté des dames, aux rôles en toc, doté d’un didactisme rédhibitoire rempli d’espoir, ce succédané stérile et laïc de l’espérance, précise le credo catho de la précitée compositrice. Un chasseur de primes en transit, pragmatique et presque cynique, transmet sa prati...

La Vue et Louise

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  Exils # 112 (12/06/2025) Plus de petit ami, charme de Hicham et trahison d’omission, CDD terminé, merde aux indemnités, mais l’héroïne ne déprime, les événements ne lui en laissent le temps. Tout autour d’elle se détraque le réel, les choses et les êtres se comportent de manière suspecte : le distributeur de café, à la voix veloutée, féminine et métallique, dysfonctionne façon Le Démon dans l’île (Leroi, 1983), les employés et les passants se voient soumis à d’invisibles assaillants. Tandis que des ouvriers travaillent, que le reflet d’une autre tour et d’un autre chantier sur une fenêtre apparaissent en reflet, le visage de la jeune femme en fragile filigrane, prend place et possession de l’efficace fiction une apocalypse de poche, il y a quelque chose qui approche , résume la chômeuse anxieuse à son ex en train de déménager, sur le point de succomber. La nuit venue, la fin du monde semble advenue, des sirènes retentissent, des types prennent la fuite. Le lendemain, ...

La Quête corse

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  Exils # 111 (03/06/2025) « Aucun sanglier n’a été blessé durant le tournage » : à notre connaissance, la mention ne figure ni au final générique ni sur IMDb sous la rubrique crazy credits . Après le prélude programmatique, crescendo sonore de cigales infernales tu(é)es net, la première séquence associe Dardenne et dépeçage, puisque l’héroïne, de dos filmée, sa chevelure dévoilée, s’attaque à un cadavre illico , reçoit sur le visage quelques gouttes de sang et l’accolade baptismale d’un parent. Elle annonce aussi et ainsi la conclusion d’exécution, avec perruque et teinture, eau minérale locale et mansuétude létale. Déjà séparée à l’insu de son plein gré du petit ami, Lesia, pas Rosetta, une pensée pour Émilie partie, demi-orpheline docile, perd donc en plus le papa, qui mit une vingtaine d’années à venger le trépas tout sauf naturel de son propre paternel, tandis que l’un des tueurs à moto apprécie sa paternité presto, avant de se faire dessouder, peluche premi...

Vain chœur par chaos

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  Exils # 110 (21/05/2025) Dommage pour leurs amateurs : on compte davantage de cascades dans un seul épisode de L’Homme qui tombe à pic que dans toutes les quatre-vingt-cinq minutes presque longuettes de L’ É quipée du Cannonball (1981). Cela peut étonner de la part de Needham, ancien stuntman et acteur occasionnel – il kidnappe Hackman pour French Connection 2 (Frankenheimer, 1975), se met ici en abyme comme ambulancier puis (ré)apparaît à l’ultime plan du bêtisier – qui concocta et connut un autre succès motorisé avec Cours après moi shérif (1977), déjà conduit par Reynolds, ensuite aussi transposé à la TV. Cette variation sudiste (Needham naquit à Memphis) des aventures de (Sisyphe) Vil Coyote cède sa place à une course maousse, illégale of course , « cinq mille kilomètres à cent quarante kilomètres/heure », quelle horreur s’écrie la sécurité routière, et Lee Majors, alias Colt Seavers, la sienne à la (très) regrettée Farrah Fawcett, couple séparé sur le ...

La Grande Attente

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  Exils # 109 (14/05/2025) Dans Pierrot le Fou (Godard, 1965) Belmondo se suicidait à la dynamite, Anna Karina portait une robe écarlate ; dans Week-end à Zuydcoote (1964), il succombe à une bombe, aperçoit au lointain Jeanne en rouge. Le Nolan de Dunkerque (2017) et le Spielberg de La Liste de Schindler (1993) connaissaient-ils l’œuvre de Verneuil ? Peut-être, peu importe, ce titre restauré se suffit à lui seul, délesté d’héritiers. Flanqué de François Boyer ( Jeux interdits , Clément, 1952), Robert Merle, l’auteur de La mort est mon métier , matrice apocryphe de La Zone d’intérêt (Glazer, 2023), s’auto-adapte et dialogue cette chronique tragi-comique d’un couple de jours pas si historiques, plutôt pragmatiques. Si Fabrice ne voyait rien à Waterloo, Julien, Maillat et non Sorel, accomplit un périple picaresque, ponctué de rencontres pittoresques, comme ces vraies-fausses nonnes façon La Grande Vadrouille (Oury, 1966), de caméos plus ou moins rigolos, citons ceu...

Les oies passent, les sauvages trépassent

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  Exils # 108 (13/05/2025) Mélodrame familial et « racial », Le Vent de la plaine (1960) paraît la réponse de Huston à La Prisonnière du désert (1956) de Ford, itou adapté du spécialiste Alan Le May. Les titres d’origine « annoncent la couleur » – de peau : chez le second John, il s’agit de chercher ( The Searchers ) une Blanche enlevée ; chez le premier, on ne peut pardonner ( The Unforgiven ) à la « brune » son pedigree . Voici un voyage inversé, la quête de Wayne remplacée par le débarquement des Indiens et le retour de Lancaster, vrai-faux demi-frère, aussi épris de sa sœur que l’incestueux Montana de sa Gina ( Scarface , De Palma, 1983). Au cours du climax nocturne et communautaire, presque procès à pendaison intempestive, deux récits des origines, de la faute originelle, se racontent et s’affrontent, Burt affabule, autant véhément que Elmer Gantry le charlatan (Brooks, 1960). Le vieillard spectral, à cheval et avec sabre, foncti...

La Preuve par l’épreuve

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  Exils # 107 (12/05/2025) Pour Patrick Dans Survivre à Hollywood , titre programmatique, le cher Fleischer se souvient de l’oraison de Robinson, de l’émotion de Heston, qualifie le film, avis d’Eddy, « de premier ordre », doté d’une histoire « qui a du fond  ». La valeur de Soleil vert (1973) se situe ici aussi, histoire d’amour entre deux hommes non plus amicale et homosexuelle ( Ben-Hur , Wyler, 1959) mais cette fois-ci filiale et paternelle. Plus proche du « charognard » coriace de L’Inspecteur Harry (Siegel, 1971) que des serviteurs dessillés des sinistres sociétés du Meilleur des mondes , 1984 , Fahrenheit 451 , émules de Paul sur le chemin de Damas, le « détective » indocile et anti-émeutiers affamés se nomme Thorn, patronyme explicite de déchirement piquant, tel le père infanticide, avatar d’Abraham, de La Malédiction (Donner, 1976). En « 2022 », à New York la glauque, chacun se fiche de l’Antéchrist, du maléfique me...