Vain chœur par chaos
Exils # 110 (21/05/2025)
Dommage pour leurs amateurs : on compte davantage de cascades dans un seul épisode de L’Homme qui tombe à pic que dans toutes les quatre-vingt-cinq minutes presque longuettes de L’Équipée du Cannonball (1981). Cela peut étonner de la part de Needham, ancien stuntman et acteur occasionnel – il kidnappe Hackman pour French Connection 2 (Frankenheimer, 1975), se met ici en abyme comme ambulancier puis (ré)apparaît à l’ultime plan du bêtisier – qui concocta et connut un autre succès motorisé avec Cours après moi shérif (1977), déjà conduit par Reynolds, ensuite aussi transposé à la TV. Cette variation sudiste (Needham naquit à Memphis) des aventures de (Sisyphe) Vil Coyote cède sa place à une course maousse, illégale of course, « cinq mille kilomètres à cent quarante kilomètres/heure », quelle horreur s’écrie la sécurité routière, et Lee Majors, alias Colt Seavers, la sienne à la (très) regrettée Farrah Fawcett, couple séparé sur le point de divorcer.
Cinq ans auparavant, Bartel dirigeait un premier opus consacré au parcours, Cannonball! (1976) idem co-produit par Hong Kong et les États-Unis, la Shaw Brothers devançant la Golden Harvest. Ce financement de son temps offre ainsi un instant surréaliste, lorsque « Jackie Chan », flanqué de Michael Hui, pseudo-Japonais délocalisés, se met à mater en auto et en vidéo Derrière la porte verte (1972) des frères Mitchell. À défaut du trapèze balèze de Marilyn Chambers, voici d’autres acrobaties en voiture, avion, vélo, bateau, mais pas de Rémy Julienne au boulot, en dépit de la présence de Moore s’amusant de lui-même en dandy sémite incarnant l’acteur plus bondesque que bondissant et pris, eh oui, pour… Connery. Le cinéaste et le scénariste Brock Yates maîtrisaient le sujet, participèrent au trajet, délivrent en définitive un film collectif, dont le casting choral inclut en outre un caméo de Peter Fonda, easy rider encore biker, une fois supplémentaire du côté des « anges de l’enfer ».
Si les fanatiques de mécanique énumèrent les marques – Lamborghini du début, ambulance Dodge Tradesman, Ferrari façon Magnum, Subaru d’Asiatiques, Chevrolet relookée, Aston Martin incontournable et Rolls-Royce musulmane –, les cinéphiles adoptent le name-dropping, car la « fast company », clin d’œil à Cronenberg, hélas assez au ralenti, se compose en sus d’un DeLuise divisé, super-héros au rabais, d’un Dean Martin séducteur alcoolisé, pléonasme pardonnable, d’un Davis, Jr. au collier connoté à irriter Madame Rima Hassan, d’un Jack Elam proctologue aux patronymes explicites (Frank Einstein du doublage français infidèle et daté ou Van Helsing en version d’origine), d’une Bianca Jagger en sœur de cheik (ou épouse de chanteur), du trio Adrienne Barbeau/Valerie Perrine/Vickie Reigle (bientôt parmi les pages de Playboy) aux beaux décolletés non cabossés. Ni Burt, amical et cynique, bien payé ou prostitué, ni la critique d’Amérique n’apprécièrent la plaisanterie dépourvue de super, sinon de script, de rythme, située à des années-lumière de « l’engagement » et de l’entregent du club « inclusif » de Cannes, aux Palmes pitoyables.
Malgré un manque d’ambition et de travail évident, un accident cause de paraplégie qui pouvait être évité a priori, L’Équipée du Cannonball parvient ô surprise à susciter une poignée de sourires, représente une réponse régressive (et rapide puisque tournée en une trentaine de journées) et ludique au caractère héroïque et mélodramatique des films classés catastrophe de la décennie précédente, cimetières spectaculaires pour divinités hollywoodiennes et matrice apocryphe du terrorisme islamiste, en tout cas à en croire Baudrillard. Suivant en surface le sillage de La Course à la mort de l’an 2000 (Bartel again, 1975) et des satires érotisées d’un certain Russ Meyer, il dévie vers la ZAZ comédie (moins le citationisme autarcique), la tapisserie de saynètes impressionnistes, la cour de récréation concon de grands enfants impénitents. Histoire et tournage, la coda au carré cristallise l’exercice, galéjade anecdotique néanmoins munie d’une bonne humeur communicative.
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