Les Rescapés : Dog Soldiers
Enfants privés de parents, bergers forcément allemands, opus assez plaisant…
Les cinéphiles savent depuis Europa
(Lars von Trier, 1991) que le terme « loup-garou » désigne, aussi,
certains nazis. Dans Les Rescapés (Adrian Panek, 2018),
baptisé Werewolf à l’international et Wilkołak à domicile, on
n’aperçoit pourtant aucune créature lycanthrope, on se contente d’accompagner
un groupe de gamins, survivants résilients du récent démantèlement des camps.
Abritée au fond d’une forêt, désormais occupants désarmants, désarmés, d’un
manoir sans eau ni électricité, la meute de marmots va devoir affronter
l’assaut d’une seconde, tout autant affamée, assoiffée, en sus « dressée
pour tuer », salut à Sam (Fuller), de préférence les porteurs d’uniformes
rayés, tandis qu’à proximité se terre, au sein d’un bunker à la Hitler, un
sinistre déserteur, à son tour prisonnier de la peur, tandis qu’un soldat de
Staline, of course alcoolisé,
succombe à son instinct sexuel malsain, avant de recevoir un mérité châtiment
canin. Tu le devines vite, cher lecteur, Les Rescapés s’apparente à un
conte de fées défait, un récit de défaite et de reconquête. Sortis de
l’indicible, de l’impensable, sinon de l’irreprésentable, c’est-à-dire de la
bestialité industrialisée, imposée – couché, débout, au garde à vous, couché,
assis, en leitmotiv de survie –, nos Petit Poucet polonais (ré)apprennent la
vie en société, par exemple comment tenir ses
couverts, comment se montrer solidaires, comment respecter un adversaire. Deux petits chaperons rouges en veste
et robe et lipstick homonymes vont
les guider jusqu’à un genre d’apaisement, peut-être de pardon. Certes, Les
Rescapés possède des défauts, au niveau du scénario, du tempo, mais ce
deuxième titre d’un réalisateur « à suivre », diplômé d’une école Wajda
et d’une université Kieślowski, sait séduire, ne prend pas la pose
(auteuriste), dispose d’atouts non relous(-garous).
Ni Sa Majesté des mouches
(Peter Brook, 1963), ni La Compagnie des loups (Neil Jordan,
1984), Les Rescapés parvient à créer un climat, un monde en soi, car
il s’agit, pardon du pléonasme, d’un vrai film de cinéma, pas d’un téléfilm
déguisé, pas d’un jeu vidéo loboto. Doté d’une formation d’architecte, Pan
(Monsieur) Panek anime avec maestria sa demeure de malheur, utilise le widescreen avec une discrète virtuosité,
slalome au steadicam avec justesse et
s’autorise même un ralenti d’anthologie, double course d’évasion, de diversion, vers
l’immobilisé camion. La constante qualité plastique de cet item essentiellement
politique, poétique, équilibre largement ses carences précitées, ne surprend
point puisque en provenance d’une cinématographie amie, munie d’une haute
technicité, citons les noms des « adoptés » Andrzej Żuławski & Roman Polanski. Face à une telle fable affable, une évidente réussite
esthétique, la majorité du ciné français, de surcroît débutant, paraît
défraîchi, fait livide figure, empeste l’imposture, rance mélange de
bien-pensance, de rassurance, d’amateurisme, de nombrilisme, de cynisme ou « d’engagement »
à dégager. Mieux : chaque membre du métrage choral, un brin bancal, se
tient à l’unisson, participe de l’émotion, mentions spéciales à Sonia
Mietielica, Kamil Polnisiak, Nicolas Przygoda, trio juvénile presque à la Jules
et Jim (François Truffaut, 1962), « enfants sauvages » d’un
autre âge, d’un autre ramage, d’autres outrages. Film de fin de l’enfance, de
poursuite des souffrances, des dangers et des douceurs de l’adolescence, Les
Rescapés
s’émancipe du pathos et de la complaisance, juxtapose l’horreur historique et
fantastique, renverse les signes de l’agressivité, de la culpabilité, transforme
in extremis les cerbères very vénères en défenseurs charmeurs. Un
diamant ? Cendré, so.
Commentaires
Enregistrer un commentaire