The War Zone
Commémoration d’occasion, memento mori en série, pellicules et pays…
Si tu r’viens n’attends pas que je sois tombé pour la France
Étienne Daho
Ce spectacle spectaculaire,
son-et-lumière mortifère, affola les futuristes, sinon les fascistes ; la
Grande Guerre ne pouvait pas ne pas être illustrée au ciné, art massif, optique
et mécanique, idem amateur de
monuments funéraires, les films eux-mêmes, faussement immortels, dédiés à un
identique et différencié conflit, celui ente la mort et la vie, pardi, aux
victoires pareillement provisoires, voire illusoires. Dès 1915, donc en léger
différé, Feuillade deux fois s’affaira (L’Union sacrée, Le
Noël du poilu), suivi de DeMille (La Petite Américaine, 1917), Chaplin
(Charlot
soldat,
1918), Griffith (Cœurs du monde, 1918). Puis le parlant passant par là s’en
empara, par conséquent Pabst (Quatre de l’infanterie, 1930),
Hughes (Les Anges de l’Enfer, 1930), Milestone (À l’Ouest, rien de nouveau,
1930), Bernard (Les Croix de bois, 1932), Borzage (L’Adieu aux armes, 1932),
Hitchcock (Quatre de l’espionnage, 1936), Renoir (La Grande Illusion, 1937),
ne circulez, beaucoup à (re)voir. D’une catastrophe l’autre, revoici Charlie (Le
Dictateur,
1940), les chers Archers (Colonel Blimp, Powell &
Pressburger, 1943), pourquoi pas Autant-Lara (Le Diable au corps,
1947). Huston (L’Odyssée de l’African Queen, 1951), Kazan (À
l’est d’Éden, 1955), Vidor (L’Adieu aux armes, deuxième salve,
1957), Kubrick (Les Sentiers de la gloire, 1957) appliquent ensuite leur propre
tactique. Durant les années soixante, Truffaut & Lean jubilent et dépriment
(Jules
et Jim, Lawrence d’Arabie, 1962), rejoints dare-dare
par Richard (Mata Hari, agent H 21, 1964, à nouveau avec Moreau). En Italie
(Les
Hommes contre, Rosi, 1970), aux États-Unis (Johnny s’en
va-t-en guerre, Trumbo, 1971), en Australie (Gallipoli, Weir, 1981),
chez Oury (L’As des as, 1982), en Hongrie (Colonel Redl,
Szabó, 1985), en Afrique (La Victoire en chantant, Annaud,
1976, Out of Africa, Pollack, 1985) aussi ça s’agite, tandis que le bien
nommé La Tranchée (Bassett, 2002) porte l’horreur au carré, que le
chrétien Christian Carion décrète une véridique trêve (Joyeux Noël,
2005), que l’archéologue Haneke remonte aux noires racines du mal (mâle) en
déroulant Le Ruban blanc (2009). Le nouveau millénaire ne (se) laisse
faire, cf. Cheval de guerre (Spielberg, 2011, d’après un roman beau de
Morpurgo), l’apocalyptique en effet, colorisée, sonorisée, Apocalypse à la TV, le
dispensable La Peur (Odoul, 2015), le supportable Wonder Woman (Jenkins,
2017). Que nous dit tout ceci, liste subjective, tout sauf exhaustive ?
Que la Première Guerre mondiale, sur la toile, manie le patriotisme et le
pacifisme, le nationalisme et l’antimilitarisme, l’expressionnisme et
l’impressionnisme. Que la furie se filme, que le massacre se met en scène, pas
seulement en salles, en sus sur le champ de bataille, studio idéal, bande
propagande (Le Tigre et le Président, Peyrefitte, 2022). Que la
guerre, « connerie » à la Prévert, se transforme, ne change guère,
sidère et indiffère, quelle interminable haine en Ukraine. Contrairement aux
sermons à la con du morpion Macron, de Gaulle du pauvre, belligérant imaginaire,
VRP de pseudo-pandémie antidémocratique et ploutocratique, elle évacue le
virtuel, le remplace par du réel à la truelle. Cohérente contradiction, elle se
risque ainsi à la s(t)imulation, à l’immersif, à l’incomplète catharsis. La « Der
des Ders », moins douce qu’amère, davantage économique qu’idéologique,
représente en définitive, en matière d’esthétique, un traumatisme fertile, un
réservoir mouroir, une matrice novatrice, dont le colonialisme et le
capitalisme, le féminisme et le nazisme surent se servir, se souvenir, à
l’instar du cinéma, aujourd’hui et autrefois. Les « films de guerre »
reflètent en fait notre face infecte et défaite.
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