L’Enfer des armes

 

Un métrage, une image : Eastern Condors (1987)

Un soupçon des Douze Salopards (Aldrich, 1967), une pincée de Portés disparus (Zito, 1984), un virage vers Voyage au bout de l’enfer (Cimino, 1978) : Sammo Hung (re)connaît ses classiques, cependant ne les duplique, pas davantage ne délivre la matrice apocryphe et obsolète de Une balle dans la tête (Woo, 1990). Doté d’un tandem d’incontournables homonymes du cinéma de HK de ce temps-là, à savoir le scénariste Barry Wong (À toute épreuve, Woo, 1992), le directeur de la photographie Arthur Wong (La 36e Chambre de Shaolin, Liu, 1978, Il était une fois en Chine, Tsui, 1991), le réalisateur de valeur de L’Exorciste chinois (1980) ou First Mission (1986) signe en résumé un cocktail guerrier aux tonalités mêlées, comme seul l’écran hongkongais savait les concocter, les doser. Véritable cinéaste, il soigne chaque cadre ; star pas uniquement locale, il possède assez de générosité pour ne limiter les membres des équipes artistiques et techniques à de falots faire-valoir, sinon narcissiques repoussoirs. Aminci, moins réjoui, il associe la comédie au mélodrame, surtout les hommes aux dames. En effet, fi de misogynie, de masculine et parfois gay friendly autarcie, voici trois belles rebelles cambodgiennes, adeptes de l’anticommunisme en petit comité, à main armée. Ces Parques délocalisées, au visage d’abord d’obscurité, car camouflé, anticipent celles de Heroic Trio (To, 1993), permettent d’équilibrer, même déséquilibrées, idem exterminées, l’excès en somme de testostérone à la gomme, a fortiori lorsque l’une des demoiselles plus impitoyables que cruelles, quoique, appréciez le poignard planté en plein cul d’un Viêt-Cong renversé, olé, s’avère soudain une espionne point conne, à la solde de l’occupant aux casques d’antan, dixit un cinglé en vérité lucide très. S’il carbure au spectaculaire, accumule les séquences anthologiques au creux d’une nature édénique, merde au faux philosophe et vrai longuet Malick (La Ligne rouge, 1998), s’il esquive en définitive le nihilisme et la rage d’un Hark, cf. L’Enfer des armes (1980) ou Time and Tide (2000), Eastern Condors comporte encore une poignée d’instants sidérants, en raison d’une représentation de la violence martiale radicale, guère en toc, rude et baroque, je pense à la victime de la roulette russe enfantine, amitiés malaisées au Friedkin de L’Enfer du devoir (2000), infanticide de soldat puéril rempli de haine au Yémen, à la traîtresse occise d’un projectile à bout portant, aveuglément, puisque sommée de se tourner, son regard de l’exécutrice complice détourner, à la mimine aussitôt sectionnée de la patriote contrariée, bien tu le méritais, se justifie l’ex-tueur de flic, fichtre. Quant aux ultimes répliques, au sujet de la maudite et domestique Amérique (nordiste), elles manient bien sûr l’ironie, le sourire de survivants pas si en sursis, ainsi surgit du salut l’hélico illico, après un survol des rizières philippines supposées illustrer le Vietnam retrouvé, alors que le prologue au lever de drapeau acrobatique et rigolo se tourna au Canada, oui-da. Interprété par des pointures appelées Haing S. Ngor (La Déchirure, Joffé, 1984), Yuen Woo-ping & Corey Yuen, qui coproduit aussi, par la chérie Joyce Godenzi, Eastern Condors ressemble à un survival of course forestier, à une mission de manipulés, d’expendables, dirait Stallone, vénères et solidaires, devant servir de diversion à la con, hélas le second commando succombe à un crash de facto. Il se situe in extremis au sein malsain d’un arsenal fatal façon Bond, dont le Docteur No servit sans doute de modèle au mutique et charismatique général à grenade. Une fois l’odyssée achevée, le contrat accompli, les trois lascars à l’écart des larrons crucifiés en réunion reçoivent subito presto un baptême non plus du feu, de l’eau, rédemption de bon ton, paraphe pas d’occase d’un opus au christianisme en sourdine, à (chemin de) croix au cou du souple Sammo, leadeur doté d’un cœur, de sang, larmes, sueur.           

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